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Abigail Castañeda

Publié le 24/04/2025

Abigail travaille le bois depuis son atelier à proximité de New-York. Ses pièces sculpturales nous séduisent par leur finesse et finitions. Faisant partie de notre sélection Variations Chromatiques du bois, nous l’invitons à répondre à quelques questions.

Bonjour Abigail, comment êtes-vous venu au travail du bois ?

L’omniprésence du bois m’a toujours intéressée. Je suis devenue curieuse de comprendre comment nous, les humains, le transformons en art et en objets du quotidien. J’ai commencé à travailler pour une marque de mobilier pour apprendre le métier et gagner ma vie. Travailler avec un atelier de production, concevoir et recréer les mêmes pièces m’a permis de développer une relation avec le bois à travers mon corps et les outils qui façonnent mes créations.

Votre travail est très sculptural et subtil. Que souhaitez-vous exprimer à travers ces formes et ces finitions ?

J’espère que mes formes portent une certaine douceur, laissant la matière s’exprimer d’elle-même. Mon rôle est d’être à l’écoute de ce que le bois contient déjà. Le bois est une matière qui, depuis des millénaires, façonne nos vies en silence. Il a construit nos maisons, porté notre nourriture, alimenté nos foyers. C’est l’un des matériaux les plus anciens que nous avons travaillé, et il invite à un rythme de fabrication – et de vie – plus lent. Mais dans la vie moderne, nous ne suivons plus ce rythme. Nous nous éparpillons, accélérons, consommons, toujours pressés de ce qui vient après. À l’inverse, un arbre ne se précipite jamais. Il épaissit ses cernes année après année, son corps imprégné du souffle des saisons, de l’effort patient de devenir. Des années à tendre vers la lumière, à porter le poids de la pluie, à s’enraciner dans l’obscurité profonde de la terre.

Comment choisissez vous les essences que vous travaillez ? 

J’aime travailler avec ce qui m’entoure, les essences abondantes de mon paysage local. Mes matériaux proviennent souvent de relations avec des arboristes, des scieurs, ou simplement de la proximité avec un lieu. Le catalpa en est un bon exemple : il pousse rapidement dans le nord-est et se sculpte merveilleusement bien. Ce n’est peut-être pas un choix conventionnel, mais c’est exactement ce dont j’ai besoin.
Il y a une idée qui m’est chère : dans tout système, qu’il soit écologique, culturel ou créatif, le véritable changement naît souvent en périphérie. Le mouvement ne débute que rarement au centre du courant ; il s’éveille sur les rives, là où vivent la variation et la résilience. J’aborde la matière de la même manière. Ce qui a été écarté ou oublié recèle souvent le plus grand potentiel.

Vous êtes basée près de New York, cette ville créative influence-t-elle votre travail ?

J’habite au nord de la ville dans un quartier calme des montagnes Catskill. Je suis née sur une petite île des Philippines appelée Cebu. Ma famille a immigrée aux États-Unis lorsque mon frère et moi étions enfants. Nous avons vécu dans la ville pendant un certain temps, mais nous nous sommes finalement installés dans la vallée de l’Hudson. La commercialisation de la ville de New York a déplacé de nombreuses personnes dans la région de la vallée de l’Hudson. Je pense que l’énergie créatrice abonde ici aussi.

Notre Sélection de Printemps, à laquelle vous participez, rend hommage aux variations de couleur du bois. Pouvez-vous nous parler de votre lien avec ce thème ?

Je perçois la couleur du bois comme l’expression de son ADN et de sa relation constante avec son écosystème. Elle est façonnée par la composition du sol, les précipitations, l’interaction avec les champignons, et la chimie interne propre à chaque arbre – ce que les botanistes appellent les substances extractibles. Pour moi, ce n’est pas seulement le produit de processus biologiques, mais une véritable trace de vie. C’est aussi une forme de témoignage, une mémoire incarnée d’un dialogue permanent avec le lieu : des instants d’abondance, d’adaptation, ou de pause. J’essaie d’honorer cette complexité.

Que représente pour vous une coupe ?

Le geste d’offrir et de rassembler. Je crois que les bols et les contenants deviennent des porteurs de langage symbolique lorsqu’on les regarde au-delà de leur forme physique. L’intérieur d’un récipient est un lieu de rassemblement pour l’abondance de la terre, un berceau pour ce qui fut animé par l’esprit. Sa forme circulaire évoque le retour perpétuel des saisons, la danse cyclique entre la naissance et la mort, et le flot infini du temps.

Pouvez-vous nous présenter les deux pièces qui seront exposées dans la Sélection de Printemps ?

La première pièce est tournée dans de l’érable blanc. Sa surface douce, presque crayeuse, met en valeur la subtilité des courbes et attire l’attention sur la forme elle-même. La seconde est réalisée en catalpa, avec une finition à l’huile qui révèle la chaleur naturelle du bois et le mouvement délicat de son grain. Les deux pièces ont une forme simple mais une présence forte, chacune façonnée par le caractère unique de son essence.