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Andrea Rüeger

Publié le 17/11/2025

Pourriez-vous vous présenter et raconter ce qui vous a conduit à travailler avec l’urushi ?

Je m’appelle Andrea Rüeger. Je suis né en Suisse et je vis à Saint-Gall, une ville proche des montagnes. J’ai travaillé longtemps comme polymécanicien, spécialisé dans le tournage des métaux et l’usinage CNC. L’argent a toujours été compté, alors ma solution pour posséder de beaux meubles et objets de design a été de les fabriquer moi-même.

J’ai commencé à travailler avec le matériau que je connaissais le mieux grâce à mon apprentissage de polymécanicien : différents métaux. Mais très vite, j’ai développé un fort intérêt pour le bois. Ayant déjà voyagé plusieurs fois au Japon, je connaissais l’urushi, mais cela me semblait totalement inaccessible. L’idée m’est revenue en cherchant un moyen d’étanchéifier des tasses que j’avais fabriquées.

Lors de mon voyage suivant au Japon, je suis allé spécifiquement à la recherche de pièces urushi. Tenir une pièce entre mes mains, de manière consciente pour la première fois, a été saisissant. À cet instant, j’ai su immédiatement que je voulais apprendre à appliquer cette laque moi-même.

Qu’est-ce qui vous attire dans l’urushi ?

Pour moi, l’urushi est le matériau parfait pour l’étanchéité. À l’état humide, il est toxique pour l’humain, mais une fois durci, ses propriétés changent complètement : il devient résistant aux acides et à la chaleur, possède des qualités antibactériennes et reste légèrement flexible. J’aime pouvoir créer un objet en urushi entièrement à partir de matériaux naturels – aucun produit chimique synthétique n’est impliqué. La laque est unique : elle isole parfaitement le bois lorsqu’il est utilisé avec des liquides chauds, et la finition douce et brossée offre une sensation merveilleusement agréable au toucher.

Comment abordez-vous le concept de longévité dans un objet ?

J’essaie d’utiliser des matériaux de qualité : du bois pour les bases, de la terre de diatomée, de l’urushi et des pinceaux. J’ai appris que précipiter le processus pouvait entraîner des problèmes de qualité et des résultats insatisfaisants. C’est pourquoi je laisse à mes pièces en urushi suffisamment de temps pour durcir. Si une couche ne répond pas à mes attentes, je la refais. Cela rallonge le temps de production, mais je suis heureux d’investir cet effort supplémentaire.

Un autre aspect important, selon moi, est que le soin apporté à un objet est intimement lié à sa longévité. Si vous possédez un objet que vous aimez, il faut en prendre soin et savoir l’entretenir. Rien ne dure éternellement, mais avec attention et affection, on peut prolonger la vie d’un objet, peu importe que sa qualité soit jugée bonne ou médiocre.

Quelles sont les principales étapes de création d’une pièce en urushi dans votre atelier ?

Après la fabrication de la base en bois, la deuxième étape consiste à appliquer une première couche de ki-urushi brut. Celle-ci pénètre le bois et renforce les fibres. Viennent ensuite plusieurs étapes utilisant de la terre de diatomée, de la colle de riz et des tissus tissés. Entre chaque étape, la surface est poncée à l’eau et les couches sont durcies dans un four spécial appelé muro, où l’humidité est maintenue entre 70 et 80 % pour assurer un durcissement optimal de l’urushi. Les deux couches finales sont appliquées avec de l’urushi raffiné, soigneusement filtré et appliqué au pinceau à l’aide d’un outil spécifique.

Comment choisissez-vous la technique la plus adaptée pour chaque objet ?

Je commence généralement par concevoir un objet dont nous avons besoin dans notre foyer. Ensuite, je réfléchis à son usage et à son apparence, de manière à ce qu’il soit fonctionnel et facile à nettoyer. Selon son usage, je décide s’il nécessite des renforcements, comme des tissus tissés, et combien de couches il doit recevoir.

Les finitions en urushi brossé peuvent parfois être glissantes. J’ai donc commencé à expérimenter des textures. En ajoutant différentes terres, du thé vert tamisé ou même des poudres métalliques pour créer des surfaces plus adhérentes.

Je travaille généralement deux techniques :

  • Nuritate : une finition brossée composée de nombreuses couches, idéale pour les objets du quotidien.

  • Technique Fuki-Urushi : méthode plus simple où l’urushi est essuyé, laissant une couche très fine qui met en valeur le grain naturel du bois.

La finition Fuki-Urushi donne une surface délicate, plus vulnérable aux dommages. En revanche, la finition Nuritate, pouvant comporter 10 à 15 couches, est beaucoup plus durable.

Comment votre environnement influence-t-il votre travail ?

Je vis à Saint-Gall, une petite ville mais la cinquième plus grande de Suisse. La ville en elle-même ne m’inspire pas tellement. Mon inspiration provient plutôt de mon lieu de travail, une fonderie d’art et du canton des Grisons (Bündnerland) d’où provient du bois magnifique.

Pour les formes, mon inspiration naît souvent des limites rencontrées en les créant. Je n’ai jamais appris le tournage du bois, mais je maîtrise le tournage du métal sur un tour conventionnel. Or, les formes naturelles et organiques sont difficiles à obtenir avec un outil pensé pour la haute précision. C’est pourquoi mes silhouettes restent généralement simples, influencées à la fois par les contraintes du tournage métal et par cette question qui m’accompagne : « Est-il vraiment nécessaire d’inventer de nouvelles formes pour un objet aussi intemporel qu’une tasse ? » Pour moi, une tasse doit simplement remplir sa fonction – boire – et posséder un design intemporel. J’ai toujours été attiré par des formes simples, aux lignes droites et aux courbes douces.

J’aime aussi combiner précision et connaissance du comportement naturel du bois. L’urushi n’est pas entièrement prévisible non plus. Il a sa propre volonté, du moins c’est ce que j’aime penser.

Dans notre Sélection Laque Urushi, vous présentez deux types d’objets : des baguettes et quatre tasses. Pouvez-vous nous les présenter ?

Le bois utilisé pour les tasses est du Betula Grossa, quelque part entre le cerisier et le bouleau. Toutes les tasses partagent la même forme – intemporelle, parfaite pour le thé, le cappuccino ou tout autre liquide. Les finitions, cependant, sont très différentes :

Tasse 1 : renforcée (bande noire en haut) avec du tissu de lin tissé, poncée plusieurs fois puis laquée avec un urushi keshi shuai raffiné offert par un ami au Japon.

Tasse 2 : tasse simple laquée rouge, réalisée avec quelques couches de base et deux couches finales d’urushi rouge pigmenté.

Tasse 3 : même technique que la tasse 2, mais finition avec un urushi keshi shuai translucide.

Tasse 4 : corps entièrement renforcé avec du tissu de chanvre, rempli plusieurs fois et complété par deux couches d’urushi blanc pigmenté.

Les baguettes (hashi) ont été réalisées avec une finition Nuritate, et leur extrémité a une texture plus rugueuse mais toujours douce pour la bouche. Cela permet de mieux saisir des aliments glissants comme les nouilles, ou d’autres aliments.

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