Bradner Bond

Bonjour Bradner, pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour, je m’appelle Bradner Bond et je viens du nord de la Californie. Je suis tourneur sur bois, toujours à la recherche d’arbres tombés ou de déchets de bois à transformer en quelque chose de beau. Je travaille principalement avec du bois local récupéré.

Qu’est-ce qui vous attire dans un bois en particulier ?

Pour moi, l’aspect local est primordial dans le choix du bois. Évidemment, c’est toujours agréable si le bois est beau, mais quelle que soit son apparence, c’est un matériau durable qui ne devrait pas être gaspillé. Quand un arbre tombe, je fais tout pour l’exploiter au maximum. J’aime penser qu’en prolongeant la vie du bois, je prolonge aussi un peu la mémoire de l’arbre.

Quel est votre processus pour déterminer la forme d’une pièce brute de bois ?

En général, j’essaie d’écouter ce que le bois a à dire. Je cherche des formes et des orientations du fil qui mettent en valeur ses particularités. J’aime les pièces élancées, avec un peu de présence, un petit côté dramatique. Je ne suis pas très attiré par les formes « rustiques » ou « traditionnelles » – je pense qu’ajouter un peu de sa propre sensibilité au matériau naturel permet d’inscrire son histoire dans celle de l’arbre. C’est une sorte de poignée de main entre nous : on partage quelque chose ensemble.

Notre Sélection de Printemps, à laquelle vous participez, rend hommage aux variations de couleur du bois. Quelle est votre relation avec cette thématique ?

J’ai eu la chance immense de grandir dans une région de Californie où la diversité des plantes et des arbres est extraordinaire. Nous avons un éventail d’essences à couper le souffle, et j’ai essayé de travailler avec chacune d’elles. Même au sein d’une seule espèce, l’habitat, les conditions de croissance, les ressources disponibles, la vitesse de développement – tout cela influence la couleur du bois. C’est donc toujours une surprise de découvrir ce qu’un tronc va révéler. La couleur évolue aussi en séchant, puis encore en vieillissant, et elle peut être modifiée par la finition. Il faudra des décennies avant qu’un bois atteigne sa teinte finale. En réalité, c’est rare de voir une pièce avec une couleur définitive. La couleur est en perpétuelle évolution – elle n’existe que dans l’instant où on la regarde. Je trouve cela magnifique.

Que représente pour vous une coupe — sur le plan technique, mais aussi symbolique ?

Une coupe à fruits représente pour moi la table commune. C’est un lieu de rassemblement, de partage entre humains, mais aussi une collaboration entre les humains et les arbres. L’arbre ancien porte les fruits nouveaux. Les anciens transmettent aux jeunes le savoir du soin apporté aux arbres. Les arbres nous nourrissent, et nous faisons de notre mieux pour leur rendre hommage. C’est circulaire, collaboratif, érosif, violent, et beau. C’est aussi un rite de passage pour un tourneur sur bois. C’est souvent le premier objet utile qu’on fabrique entièrement soi-même. Presque tous les tourneurs se souviennent de leur première coupe dont ils étaient fiers. La mienne est chez mes parents, et je la revois de temps en temps. C’est un peu comme retrouver un vieil ami.

Pouvez-vous nous présenter les deux pièces que vous avez créées pour la sélection de printemps ?

Les deux pièces que j’ai réalisées pour cette collection ont été tournées en décentré – elles n’étaient pas parfaitement centrées sur le tour, ce qui me permet de créer des formes non concentriques, pas parfaitement circulaires. Pendant le tournage, ces pièces sont déséquilibrées, ce qui génère beaucoup de vibrations (et peut-être un peu de danger !). Mais cette technique permet de créer des formes intéressantes, et de donner de l’importance à un côté de la pièce, qui se tourne alors vers le spectateur, comme pour lui répondre du regard.

Elles ont aussi une prise en main très agréable – on peut les saisir de manières peu communes pour une coupe. Elles invitent à jouer avec leur orientation. Selon l’angle, la pièce a une présence différente. Cela laisse à l’utilisateur le choix de la façon dont il souhaite la présenter. Il y a une relation qui va au-delà de la simple fonction utilitaire.