Desmond Corcoran

Publié le 30/11/2020

Dans son atelier au coeur de la Bretagne, Desmond révèle à travers ses créations des lignes épurées et simples, façonnées à partir d’essences de bois rigoureusement sélectionnées dans des scieries locales. Ses créations, aujourd’hui plébiscitées par de grands chefs, témoignent d’un certain sens de la perfection. Discussion avec un artisan passionné.

 

Parlez-nous de votre parcours. Comment êtes-vous arrivé au travail du bois ? 

 

Ma première expérience dans le travail du bois remonte à mes 13 ans, alors que j’étais encore au lycée. J’en ai appris les bases avec beaucoup de plaisir. Une fois le lycée terminé, j’ai voulu rentrer en apprentissage comme menuisier‐charpentier, mais à l’époque les occasions de le faire étaient limitées en Irlande. Quelques années plus tard j’ai déménagé à New York, et j’ai alors continué à travailler le bois comme hobby. J’ai construit quelques pièces de mobilier dont notamment un grand buffet, que mes deux enfants ont appelé « Bob ». Mais, tout cela a été bien différent quand j’ai intégré Vermont Woodworking School. J’ai appris de nombreuses techniques pointues et l’on m’a initié au tournage sur bois. Cela m’a rassuré dans la poursuite d’une carrière dans ce domaine.

 

Vous avez intégré 3rd Ward à Brooklyn, un collectif d’artistes. Avez-vous expérimenté d’autres pratiques ? Qu’avez-vous retenu de cette expérience ?

 

3rd Ward, à l’époque, situé dans une zone industrielle délabrée de Brooklyn, était un collectif d’artistes et un centre d’art contemporain. C’était parfois désordonné et chaotique, mais amusant ! J’y ai suivi des cours de menuiserie, de tapisserie d’ameublement, de finition de meubles, d’affûtage des outils, mais aussi de soudure… et tout cela, m’a énormément plu. L’éclectisme des élèves qui suivaient ces cours a créé un environnement extrêmement propice à la création, générant une combinaison d’idées riches et variées. J’ai été chagriné d’apprendre sa fermeture en 2013. C’est l’expérience de la 3rd Ward qui m’a poussé à m’inscrire à Vermont Woodworking School.

 

Vous avez étudié différents courants du design durant votre formation à Vermont Woodworking School, notamment le style Shaker. Pouvez-vous nous en parler ? Est-ce un courant dont vous cherchez à vous rapprocher à travers votre travail?

 

Les shakers formaient un groupe religieux qui s’est séparé des quakers à la fin du XVIIIe siècle. Ils étaient reconnus pour leur mode de vie simple et minimaliste. Ils cultivaient une vie communautaire, prêchant le pacifisme, l’égalité des sexes, et chorégraphiaient des danses pendant leur culte. De leur application au travail et de leur perfectionnisme, il résulte aujourd’hui des pièces remarquables en architecture, dans le mobilier et l’artisanat. Influencé par la tradition shaker, j’adopte la même démarche minimaliste pour mes créations, recherchant l’utilité et l’élégante simplicité. Je permets souvent aux qualités intrinsèques du bois – son grain, sa forme – de venir guider le design final de l’objet, c’est particulièrement vrai pour mes planches à découper et mes plateaux.

 

Parlez-nous de votre atelier et de votre manière de travailler.

 

Nous avons quitté New-York avec ma femme Hélène en août 2012 et déménagé en Bretagne. Quand j’ai construit mon atelier, il faisait originellement 20 m2. J’ai rapidement outre passé ces limites. Depuis, je lui ai rajouté 20 m2 supplémentaires, et c’est encore trop petit ! J’aime varier mon travail, le répartir entre le tournage des bols et la préparation ou la finition des planches. À moins d’avoir une grosse commande à terminer, je préfère ne pas passer toute la journée sur un seul projet. Je cogite la conception d’un objet, son design, et partage mon idée avec Hélène, qui s’occupe elle de la relation client dont elle a une bonne expertise.

 

Comment sélectionnez-vous les bois que vous travaillez ?

 

Je sélectionne la majeure partie du bois, et l’achète dans les scieries locales. En ce qui concerne le noyer, nous nous fournissons dans le Périgord noir, aux alentours de Sarlat-la-Canéda, réputé pour cette essence. La sélection du bois est, à certains égards, la partie la plus difficile du processus. Cela peut générer à la fois surprise ou déception, sa vraie nature n’étant révélée qu’après son rabotage ou son tournage. Je me souviens une fois avoir acheté une planche de noyer et être pétri de doutes à son sujet. Il s’est avéré, finalement, être un morceau de bois aux qualités exceptionnelles. Travailler le bois peut être un véritable challenge, car il s’ajuste à l’environnement dans lequel il se trouve. Il a un caractère qui lui est propre.

 

Vous travaillez aujourd’hui pour de grands chefs et palaces français. Êtes-vous en quête perpétuelle de la perfection dans vos pièces ?

 

Les grands chefs, comme Alain Ducasse, sont des chefs et des créateurs. Ils sont toujours à la recherche d’innovation et d’élégance. Lorsqu’ils viennent à ma rencontre avec leurs projets, ils me fournissent des éléments tels que sa fonction et la taille approximative de l’objet, et me donnent beaucoup de liberté pour créer. Il peut s’agir, par exemple, d’une petite planche pour une tarte ou d’un carré de frêne brûlé, pour présenter du beurre accompagné d’un couteau à beurre traditionnel japonais. Je m’efforce toujours d’atteindre la beauté dans mon travail, mais je crois que la vraie perfection n’est jamais révélée que par la nature du bois lui-même. Le plus enrichissant étant pour moi l’estime que les chefs ont de mon travail.

 

Pourriez-vous nous présenter les pièces sélectionnées pour le Marché OROS ?

 

Bien sûr. J’ai défini le design et la tournure de ces deux coupes depuis un certain temps. Cependant, je n’ai commencé à utiliser que récemment la méthode de finition ancestrale japonaise du shou‐sugi‐ban, qui est une technique de combustion du bois, le yakisugi. Il y a un an, j’ai élaboré les coupes avec du chêne. Depuis, je suis passé au frêne qui a un grain plus agréable. Le chêne est également plus sensible à la fissuration, tandis que le frêne est plus adapté à la technique yakisugi.