Eloi Schultz

Publié le 05/05/2021

Architecte et ébéniste, Eloi façonne la matière dans son atelier à Ivry-sur-Seine. Inspiré par des formes venues d’ailleurs, il conçoit des créations singulières, à mi chemin entre mobilier usuel et pièces sculpturales. Rencontre inspirante.

Bonjour Eloi, parle nous de ton parcours.

J’ai fais une école d’architecture, commencée à Strasbourg et terminée à Paris La Villette. Je me suis ensuite inscrit au CAP d’ébénisterie de l’Ecole d’ameublement de Paris, sans trop savoir où j’allais. C’est une formation assez complète sur deux ans en alternance, avec des cours à l’école et de la pratique en atelier.

Quelles ont été tes motivations dans cette spécialisation ? 

Je crois que j’ai toujours été assez manuel, dans un sens large : jouer d’un instrument, cuisiner, réparer des objets… J’ai beaucoup appris en école d’architecture, toute une culture théorique évidemment, mais aussi à construire ma pensée. J’avais déjà travaillé différents matériaux par le passé mais c’est définitivement le bois qui m’attirait, son aspect, son toucher, son odeur, c’est une matière très sensuelle. Durant mes études en architecture, à part pour réaliser les maquettes que je faisais avec un peu trop de soin, je ne me servais pas de mes mains. Je dessinais par contre déjà beaucoup d’objets, c’est une échelle de création où je me sens à l’aise. Quand on est artisan et que l’on pense un objet, on peut dores et déjà imaginer la manière dont on va le réaliser. On dessine donc des pièces pour aussi aimer les fabriquer.

Quelle place prend le dessin dans ton processus créatif ? 

C’est assez simple : je ne quitte jamais mon carnet. Je m’en sers pour tout noter, je le remplis de prise de cotes, de dessins techniques, de croquis et de petites formes toutes simples qui me touchent. Quand une forme revient souvent, il est temps d’en faire un objet. Les pièces que je crée essaient de traduire le plus simplement, honnêtement, harmonieusement, cette image initiale.  

Comment sélectionnes-tu les essences que tu travailles ? 

Je travaille des essences locales, européennes. Parmi elles j’ai une vraie préférence pour les fruitiers tels que le pommier, poirier, cerisier, ou encore pour le noyer ou le châtaignier. Ce sont des bois qui sont suffisamment tendres et homogènes pour bien se laisser sculpter et travailler avec des outils traditionnels (rabot, ciseau, gouge). Leurs bois sentent bon, proposent une grande variétés de dessins et de couleurs, et en plus ils nous fournissent en fruits que l’on peut savourer aussi longtemps que l’arbre est debout. Ca fait réfléchir.

Ton travail est très singulier, à la frontière entre artisanat et design. Quelles sont tes inspirations ? 

Je n’ai pas vraiment d’inspiration consciente. J’aime beaucoup les formes simples et fortes de l’art cycladique, les objets africains anciens – rituels ou usuels – l’ornementation vernaculaire que l’on trouve en Roumanie, très géométrique et qui aurait inspiré Brancusi… L’artisanat traditionnel, toutes cultures confondues est une grande source d’inspiration. Selon moi si des objets sont réalisés par la main, il contiennent l’intelligence et la sensibilité de leurs créateurs. Et en écrivant ces mots je pense spontanément au travail d’Alexandre Noll, en voilà une inspiration ! 

Comment vois-tu l’artisanat évoluer de manière générale ? 

Actuellement j’ai l’impression que l’artisanat survit en occupant l’espace que lui laisse la production industrielle, à savoir la création d’oeuvres sur-mesure, qu’il est le seul à pouvoir réaliser. Mais je vois aussi en parallèle que les gens se soucient de donner plus de sens aux choses qui les entourent. Cela passe par l’alimentation, l’abandon de certains métiers, la recherche d’une manière plus consciente de consommer… Tout cela est adossé je pense, à la prise de conscience qu’un changement global est nécessaire pour conserver une planète viable. Peut-être qu’à l’avenir, tout le monde aurait intérêt à être un peu moins consommateur et un peu plus artisan.

Quels sont tes projets pour la suite ? 

J’aimerais revenir un peu à l’architecture, au travers de projets de plus grande envergure comme l’aménagement de restaurants ou d’habitations. C’est ce que je commence à développer au travers d’Assemblage, la société que j’ai co-fondé début 2020 avec un ami. Cela rejoint l’idée que j’exprimais plus haut : dessiner des pièces en sachant comment on va les fabriquer, ça change tout. En parallèle j’ai aussi envie de continuer à développer une pratique plus personnelle, en concevant des objets plus sculpturaux, peut-être moins usuels. Je suis en train de rechercher un atelier à Marseille, un petit lieu que j’ai envie d’équiper avec le moins de machines possible pour me pousser à travailler encore davantage à la main. Voilà mes plans.