Hata Manabu Hata-Shikki-ten
Bonjour, pourriez-vous vous présenter et raconter l’histoire de votre entreprise Hata-Shikki, fondée en 1930 ?
Hata-Shikki-ten est implantée à Yamanaka Onsen, dans la ville de Kaga, préfecture d’Ishikawa, où nous fabriquons de la « laque Yamanaka ». L’entreprise trouve ses origines en 1930, lorsque mon grand-père, Hata Unomatsu, a commencé à travailler en indépendant comme peintre à la main en urushi. Plus tard, avec la deuxième génération, il a fondé Hata-Shikki-ten et développé l’entreprise dans tous les aspects de la fabrication de laque.
Je suis la troisième génération, Hata Manabu. Après avoir acquis de l’expérience dans la distribution de laque à Tokyo, je supervise aujourd’hui l’ensemble du processus, de la planification et la production jusqu’à la vente. En plus des objets traditionnels en laque, nous créons également des pièces en bois qui mettent en valeur la texture et la beauté naturelle du matériau, tout en respectant l’héritage de la laque Yamanaka et en explorant de nouvelles pistes pour le métier.
Les arts traditionnels sont souvent appréciés pour la sophistication de leurs techniques, mais je considère que leur véritable essence réside dans la création d’outils pour le quotidien. Dans cette optique, adapter les formes aux besoins changeants du temps est inévitable et constitue, selon moi, une pratique essentielle pour faire vivre la tradition dans le futur.
Pouvez-vous nous expliquer les différentes étapes de fabrication de la laque Yamanaka et le rôle de chacun dans ce processus ?
La laque Yamanaka se fabrique selon un système de division du travail : les kijishi (tournisseurs sur bois) réalisent les bases en bois, les nurishi (artisans laqueurs) appliquent la laque, et les akindo (commerçants) s’occupent de la planification et de la vente. En travaillant ensemble, ces artisans ont transmis et préservé les techniques traditionnelles de la laque Yamanaka jusqu’à aujourd’hui.
Dans ce système, Hata-Shikki-ten a principalement pris en charge le rôle de commerçant, préservant les traditions héritées de générations en générations tout en explorant de nouveaux designs et possibilités. Pendant de nombreuses années, nous nous sommes concentrés sur la vente en gros, mais en 2018, nous avons ouvert notre propre boutique. Avoir un point de vente direct nous a permis de rencontrer les clients, de leur faire découvrir nos pièces et d’obtenir des retours directs, devenus depuis une source précieuse d’inspiration pour orienter notre travail.
Comment votre environnement influence-t-il votre pratique et vos créations ?
Yamanaka est un centre de production de laque depuis plus de 450 ans. La ville est réputée comme le « Yamanaka du tournage sur bois » (kiji no Yamanaka) pour l’excellence de ses techniques. Comme je l’expliquais, une culture de division du travail y est établie depuis longtemps, avec les kijishi (tournisseurs sur bois), les nurishi (laqueurs) et les makieshi (artisans de laque dorée et argentée) chacun spécialisé dans leur art. L’accumulation de ces savoir-faire permet de créer des pièces d’une qualité exceptionnelle. De plus, le climat humide de la région fournit des conditions idéales pour le séchage de la laque.
L’interaction avec mes confrères artisans et l’inspiration que je puise dans l’environnement naturel sont essentielles à mon travail quotidien. Être ancré dans ce lieu me permet de transmettre la tradition tout en développant de nouvelles idées. Grandir dans un tel environnement est devenu le fondement même de mon artisanat.
Quel est votre processus pour créer un nouvel objet ?
La création commence par le choix du matériau. Je prends en compte les qualités naturelles du bois, comme le veinage et la dureté, et je décide d’une forme qui mettra le mieux en valeur ces caractéristiques avant de la façonner sur le tour. La pièce passe ensuite par plusieurs étapes : préparation de la surface, application de la laque et finition.
La laque demande particulièrement de la patience : chaque couche est appliquée, séchée, polie, puis réappliquée, en répétant ce cycle plusieurs fois jusqu’à l’achèvement de la pièce.
Chez Hata-Shikki-ten, nous ajoutons une dimension de design à ces processus traditionnels. Bien que la laque soit parfois perçue comme désuète en raison de son histoire, nous nous efforçons de la réinterpréter dans des formes qui s’harmonisent avec les modes de vie contemporains, afin qu’elle reste à la fois pratique et esthétique au quotidien.
Comment percevez-vous l’équilibre entre tradition et innovation au sein de l’entreprise ?
Nous respectons cette longue tradition de la laque, mais nous pensons qu’il est tout aussi important de proposer de nouveaux designs et usages adaptés aux modes de vie et aux valeurs contemporains.
Les arts traditionnels sont souvent admirés pour la technicité de leurs gestes, mais leur véritable essence réside dans la création d’outils pour le quotidien. Adapter les formes aux évolutions du temps est à la fois naturel et inévitable.
Chez Hata-Shikki-ten, notre travail repose sur des techniques traditionnelles, mais en termes d’idées et d’applications, nous poursuivons activement l’innovation. Nous cherchons constamment le juste équilibre entre respect de la tradition et créativité contemporaine.
Vous proposez des objets en séries, rendant vos pièces plus accessibles. Comment percevez-vous cet aspect de démocratisation de l’artisanat de laque ?
Au Japon, jusqu’à récemment, la laque était souvent perçue comme « dépassée » ou réservée aux grandes occasions. Pourtant, elle a toujours fait partie intégrante de la culture gastronomique japonaise, centrée sur le geste de tenir les plats à la main.
Conscient de ce contexte, j’ai cherché à rapprocher la laque des jeunes générations. Créer des objets qui mettent en valeur la texture et le veinage naturel du bois est une manière de promouvoir la laque comme un « artisanat utilisable », ancré dans le quotidien tout en préservant la tradition.
Pour la Sélection Laque Urushi, vous présentez deux récipients à riz « Gohanbitsu ». Pourriez-vous nous les présenter ?
Le « Gohanbitsu » a été conçu pour la première fois en 2008. À l’époque, les récipients à riz étaient souvent considérées comme des objets démodés et anciens. Avec un designer, nous avons entièrement repensé leur fonctionnalité et leur design, permettant de les faire renaître comme des outils pratiques adaptés aux modes de vie modernes.
Bien que le temps ait passé depuis leur création, ces pièces conservent une qualité intemporelle et ne semblent jamais dépassées. Elles restent l’un de nos modèles emblématiques, incarnant notre philosophie et notre approche de la fabrication.
Elles sont travaillées avec la technique du fuki-urushi (laque essuyée). Dans cette méthode, la laque brute est appliquée sur la surface du bois, puis l’excédent est essuyé avec un tissu ou un papier spécial. Une couche très fine pénètre ainsi profondément dans le veinage. En répétant ce processus plusieurs fois, la laque se fond progressivement avec le bois, mettant en valeur sa texture naturelle.
Nous utilisons le fuki-urushi pour les boîtes à riz car il ne bloque pas la respirabilité naturelle du bois, permettant de réguler l’humidité et de préserver les aliments. En même temps, cette technique souligne la beauté du veinage et apporte une chaleur naturelle à l’objet. C’est une finition à la fois pratique et esthétique, idéale pour un usage quotidien.
- Lieu : Japon
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