Jules Lobgeois

Publié le 02/12/2020

À mi-chemin entre designer et artisan, Jules est dans une recherche constante de la pureté de la forme en façonnant des pièces, entre objets fonctionnels et sculptures. Que ce soit le bois ou l’acier, il appréhende la matière de manière à la sublimer, en leur offrant comme une renaissance. Échange.

Quel est ton parcours ? 

Enfant je rêvais d’être designer automobile, alors après mon bac j’ai intégré l’Ensaama Olivier de Serres à Paris. Après y avoir passé trois ans, j’ai poursuivi mon cursus au DSAA LAAB de Rennes, une très bonne école qui m’a aidé à cerner davantage ce vers quoi je voulais aller. Enfin c’est en travaillant au contact de différents artisans que j’ai réellement pris conscience que je ne voulais pas être designer industriel. J’avais envie de « faire avec mes mains ». Lors de mon passage dans l’atelier Banneel où j’ai suivi la restauration d’une structure de Jean Prouvé, j’ai approché l’acier pour la première fois puis je ne l’ai jamais lâché. Mon goût pour la sculpture sur bois m’est venu un peu plus tard au contact de l’artiste et sculpteur belge Kaspar Hamacher. Suite à ces expériences c’est en 2018 que j’ai installé mon atelier au sud de l’Oise, dans le village où ont vécu mes ancêtres.

Depuis, mon travail a été exposé durant la Design Week (Paris, 2018), au Grand Bassin lors du concours des Ateliers d’Art de France (Roubaix, 2019), à l’exposition Cumulables (Paris 3, 2019), à Maison & Objet (Villepinte 2019), à Collectible avec la Modern Shapes Gallery (Bruxelles, 2020) et dernièrement à l’occasion de la Biennale Émergences 2020 au Centre National de la Danse à Pantin. Mes créations font partie des collections de la galerie St. Vincents à Anvers, où elles sont exposées tout au long de l’année.

Peux-tu nous parler de ton expérience auprès de l’artiste et sculpteur sur bois belge Kaspar Hamacher ?

C’est au contact de Kaspar que j’ai appris à travailler le bois massif, j’y ai appris la technique mais aussi l’appréciation des volumes. Kaspar me laissait libre accès à l’atelier, c’est là que j’ai commencé à affirmer mon propre langage plastique en réalisant mes premières pièces les soirs et les weekends. Durant cette période j’ai aussi pris conscience que produire ses pièces par soi-même pouvait être viable et qu’il fallait « seulement » se lancer et surtout y croire. Kaspar est quelqu’un de très généreux, je lui dois beaucoup.

Le bois et l’acier semblent être tes matériaux de prédilection. Trouves-tu des similitudes dans le travail de ces deux matières ? 

Le bois et le métal sont effectivement tous les deux des matériaux que j’affectionne, cependant ils n’ont pas grand chose en commun. L’un est froid et nécessite très souvent des machines pour être mis en œuvre, l’autre est chaud, plus tendre et peut se travailler à la main. Mais dans les objets que je crée j’essaie de faire communiquer ces deux matières que tout oppose au premier abord.

Tu es installé dans un petit village dans le sud de l’Oise. Comment la vie dans un milieu rural et artisanal a influencé ta vision du design ? 

Mon atelier est situé à proximité de grandes forêts, de plusieurs scieries et d’une ancienne aciérie, je pense que cette proximité qui rend ces matériaux disponibles m’a conduit très naturellement à les utiliser. Le fait d’être à l’écart des grandes villes me permet de penser et de produire mes pièces sereinement. Je travaille seul, très souvent dehors dans le sous bois derrière l’atelier.

Par sa proximité, la forêt est donc pour toi source d’inspiration et d’approvisionnement. Peux-tu nous parler de ces excursions ?

Je passe beaucoup de temps dans les forêts, je les parcours d’abord pour le plaisir de les explorer et de retrouver un peu de vie sauvage. C’est un privilège de pouvoir se retrouver loin de tout au crépuscule. Je suis convaincu que ces moments et ces atmosphères viennent nourrir ma culture visuelle et enrichissent inconsciemment la plasticité de mes objets.

Que recherches-tu dans les pièces que tu façonnes ? 

Je fais les choses intuitivement. Mais je pense que je cherche à façonner des objets dont la lumière leur serait presque inhérente. Je suis fasciné par le clair-obscur et c’est au travers de formes et contre-formes, facettes, creux, luisances et jeux d’ombres que je sculpte dans le détail chacun de mes objets. Mon père est photographe, j’ai grandi avec des outils, qui intensifient les contrastes lumineux, et d’images dont les volumes trouvaient leur existence à travers la lumière.

Pourrais-tu nous présenter les 3 pièces conçues spécialement pour le Marché OROS ?

Les trois pièces conçues pour le Marché OROS ont été réalisées dans les plus grosses branches d’un vieux noyer qui se tenait derrière mon atelier. Lorsqu’il a été coupé il y a deux ans j’ais gardé certaines parties encore exploitables en souvenir. En les écorçants et en retirant l’aubier j’ai commencé à mettre à nu le duramen. Il s’agit de la partie interne du bois, son cœur dur comme de l’acier correspond aux zones d’accroissement les plus anciennes formées par l’arbre. J’ai sculpté le bois en laissant mes outils aller au gré de la dureté du bois et de mon imagination. Ces pièces que j’ai ensuite protégées avec de la cire d’abeille et une plaque en acier représentent en quelque sorte « l’âme visuelle de l’arbre ».

Comment vois-tu évoluer ta pratique dans les prochaines années ? 

D’ici quelques années j’aimerais m’installer dans un atelier plus grand pour pouvoir travailler sur des projets plus importants et peut-être utiliser d’autres matériaux comme la pierre.