Ludovic Austry Gueule de Bois

Publié le 16/03/2017

Nous avons rencontré Ludovic, un beau jour d’automne à Ivry-sur-Seine, dans cet inspirant lieu qu’est le Lavoir. Ludovic, c’est le designer de Gueule de Bois, une jeune entreprise fondée sur plusieurs piliers dont notamment l’artisanat, l’économie locale et le bois. Créé il y a deux ans avec Emmanuel, Gueule de Bois c’est un peu pour nous le design de demain. On vous explique pourquoi.

Pourquoi Gueule de Bois ?

Pendant une soirée on a eu l’idée de créer une entreprise de mobilier en bois. On s’est interrogés sur le nom et on a rapidement pensé à Gueule de Bois comme une grosse blague. On est allés faire un tour à Maison&Objet, et en sortant on s’est rendu compte que l’on n’avait retenu aucun nom, ce qui nous a conforté dans le choix de Gueule de Bois. Si l’on pensait au début qu’il manquerait de sérieux et de crédibilité, c’était pourtant le plus percutant.

Pourquoi le bois ?

En étant en design aux Beaux Arts à Angers, je travaillais instinctivement le bois. En parallèle je créais sur mon temps libre du mobilier en bois pour mes amis. Emmanuel, qui est un ami d’enfance, a lui fait une école de commerce. Un jour il m’a proposé de créer cette entreprise. Le bois était une évidence : son grand-père était menuisier alors que mon père, architecte, a pas mal construit de maisons en bois. Dès que j’était petit, je bricolais avec lui, je fabriquais des trucs en bois, je baigne là dedans depuis longtemps.

Toutes vos créations sont créées en France à partir de bois d’origine française. Que vous plait-il dans le 100% Made in France ?

Quand on a 25 ans aujourd’hui, je pense que l’on a instinctivement une conscience un peu responsable. On a commencé à faire nos premiers prototypes alors que l’on réfléchissait encore au schéma de l’entreprise que l’on voulait créer. On est alors allés voir un artisan menuisier qui travaille juste à côté de chez mes parents, on lui a demandé des conseils et il nous a prêté une machine dont on avait besoin. Fabriquer en France, c’est aussi travailler avec des gens qui sont à côté de toi, avoir une relation à une échelle plus locale.

Vous n’avez jamais été tentés d’aller faire ça ailleurs, moins cher ?

Forcément on est toujours tenté car on recherche l’artisan le moins cher pour pouvoir sortir des meubles de qualité à des prix raisonnables. La question s’est posée au début, où nous nous sommes demandé si nous allions nous-même fabriquer le mobilier. Le pas entre «on le fait nous même» et la Chine était relativement grand, du coup on s’est dit qu’on allait simplement faire le pas entre nous et l’artisan qu’il y a juste à côté, près de Nantes. On s’est d’ailleurs rendu compte a posteriori que Vincent, l’artisan avec qui l’on travaille, était apprenti du grand-père d’Emmanuel. Aujourd’hui, tout le monde exporte sa production au Portugal car c’est deux fois moins cher. On pourrait faire la même chose, mais en produisant en France on crée une plus-value non négligeable au sein de Gueule de Bois.

Que préfères-tu dans ton métier ?

Les projets d’architecture d’intérieur sont assez plaisant. Faire l’équation sur mesure entre un espace et son histoire, les désirs et besoins des clients, et notre créativité. Une fois l’équation résolue, le rendu de chaque projet est différent. Le cheminement d’un projet de meuble est intéressant aussi. Le dessiner, faire la 3D, puis le prototype, recevoir le prototype du menuisier, puis enfin l’objet fini, c’est assez cool de suivre toute l’évolution.

Comment choisissez-vous les essences de bois que vous travaillez ?

On a commencé avec une charpente récupérée sur un chantier à côté de là où habitent mes parents. On s’est retrouvé avec du chêne et du peuplier, ce qui a influencé nos premiers meubles. C’était essentiel pour nous de travailler des bois d’origine française comme le sapin, le chêne, le hêtre, l’érable. Je ne vous cache pas qu’au début nous recherchions des bois pas trop chers. Seulement aujourd’hui on se rend compte que ce n’est pas le bois qui coûte cher, mais surtout la main d’oeuvre. On sélectionne aussi les bois par rapport à l’esthétique que l’on veut donner à notre meuble : un bois assez clair pour lui donner un aspect scandinave, ou alors du chêne pour un style plus rustique.

Quel est le style de Gueule de Bois ?

Je dirai minimaliste, tant dans la forme que dans la production. L’idée est de faire le moins de gestes possibles, d’aller au plus simple, et de concevoir des assemblages marrants mais intelligents.

Quel est votre rythme de collections ? Comment vous renouvelez-vous ?

Nous dévoilons trois nouveaux meubles chaque trimestre. En parallèle, nous essayons de faire davantage d’architecture d’intérieur, du sur-mesure, de créer des collections capsules etc. Nous sommes par exemple en train de réaliser une scénographie pour le défilé de mode de Ludovic, un couturier résident au Lavoir. Nous avons la chance de travailler au sein d’un espace créatif en perpétuel renouvellement. Parmi nos réalisations, nous avons déjà créé un bar mobile pour la brasserie La Parisienne, des stands pour Reebok et Android, et du mobilier pour une galerie d’art contemporain à Paris. Ce sont ces projets qui nous permettent de nous exprimer différemment.

Quelles sont tes sources d’inspiration ?

Dès mes études aux Beaux Arts, j’ai été attiré par le mouvement De Stijl de Mondrian, de Rietveld et le mouvement minimaliste de LeWitt ou de Carl André (en ce moment au Musée d’Art Moderne de Paris – lien). Je me suis d’ailleurs toujours tenu au minimalisme des années 70. Après, il faut venir plaquer le bois par dessus. Le bois raconte autre chose, il bouge, il vieillit. Il y a une agence que je suis beaucoup aussi, qui s’appelle cigüe, et dont j’adore leur démarche très brute de prendre un bout de bois et de réaliser le geste le plus simple possible. Enfin, bien évidemment, notre environnement au Lavoir y est pour quelque chose dans notre inspiration. Elle vient de la manière dont nous échangeons avec les autres artistes, artisans et créateurs. Avec Alexandre par exemple, peintre au Lavoir, je discute régulièrement avec lui sur son travail, ses techniques. Je ne sais pas si ça m’influence directement, mais ça a le mérite de faire murir mes réflexions.

Quels sont vos projets futurs pour Gueule de Bois ?

Pas mal de projets d’aménagement intérieur, même si l’on va conserver les collections trimestrielles. On travaille actuellement pour un projet de winerie à Nantes, où va être produit le vin au sein même du bar. A très long terme, notre gros fantasme, ce serait de pouvoir investir dans une petite forêt avec une scierie et une menuiserie dans lesquelles on pourrait directement travailler le bois provenant de la forêt. L’idée serait de gérer tout le processus de production, sans avoir d’intermédiaires, pour pouvoir raconter à nos clients l’histoire de leur table, qui provient de tel arbre dans telle forêt.