Maxime Perrolle

Publié le 04/03/2017

C’est en rencontrant Gueule de Bois au Lavoir que nous avons aperçu Maxime Perrolle, entre deux bols qu’il venait de tourner. A travers nos échanges, il nous explique qu’il a eu un véritable coup de coeur, comme un déclic pour les arbres. C’est grâce à sa sincérité et sa sensibilité artistique qu’il nous propose aujourd’hui un dialogue enrichissant et des pièces pertinentes.

Qu’est ce qu’il t’a donné l’envie d’être tourneur sur bois ? 

J’étais déjà attiré par cette matière depuis ma jeunesse, mais sans savoir comment l’apprivoiser, alors je me suis formé dans un premier temps en ébénisterie dans le Jura. En tant que petit parisien arrivé dans le Jura, j’ai découvert les vastes forêts, la diversité et la sérénité qu’elles m’inspirent. La même année par la rencontre d’un ami de mon frère, Aurélien Neira, j’ai découvert le métier de tourneur sur bois. Plus j’en apprenais sur ce métier et plus j’avais l’envie de me rapprocher des arbres, de leur diversité, leur calme, leur langage et leurs témoignages a travers les âges. Je pense que c’est véritablement la passion des arbres qui ma donné l’envie d’être tourneur sur bois.

Quel parcours as-tu suivi pour en arriver là ? 

Après ma formation ébéniste et à la suite de ma rencontre avec Aurélien Neira, je me suis acheté un petit tour a bois que j’ai installé dans mon garage en 2012. J’ai commencé comme ça, à apprendre sur le tas, mais j’ai rapidement vu qu’il me manquait de la technique et ça en devenait frustrant. Je donc passé en 2016 une année a l’école de tournage sur bois Escoulen dans le Var. J’ai appris aux côtés de Jean-françois Escoulen et Yann Marrot, tourneurs de renommé internationale. Une formation riche et intense qui ma permis d’apprendre réellement le métier et de développer mon côté artistique.

As-tu travaillé à côté de quelqu’un qui t’inspirait et te montrait la voie ? Que t’a t’il appris ?

Le savoir et la pédagogie chez Jean-françois Escoulen étaient particulièrement riches. J’ai énormément appris de lui techniquement et humainement. J’ai particulièrement apprécié le travail de Yann Marrot et son regard sur la courbe, qui a une importance capitale pour donner une émotion a quiconque regarde un objet. Et puis il y a Auré, son rapport avec les arbres qui fait directement lien avec son travail m’inspire pour beaucoup. C’est l’aspect le plus important de notre travail, la recherche d’une belle courbe qui rend hommage au morceau de bois placé sur le tour. Je pense cependant que le travail de recherche et de création est très personnel, qu’il s’inspire évidement toujours du travail de quelqu’un d’autre mais qu’il demande de l’émancipation artistique. A ce titre je m’efforce donc de travailler sur un style propre à moi même, trouver un peu ma patte tout en prenant soin de garder les préceptes de mes pères.

«Retour aux souches», que représente ce nom pour toi ?

Ce nom est très important pour moi. D’abord parce que j’ai mis du temps à trouver ma voie et que une fois trouvée je me suis senti comme apaisé, il fallait juste un retour aux sources. Je suis urbain, je l’ai toujours été et je suis habité par une envie de me rapprocher de la nature, déjà parce que j’ai envie d’être à ses côtés de la manière la plus simple et puis d’être proche de ma matière première. Pour le moment ma vie est à Paris, mais le tournage sur bois est une manière pour moi de rester proche de la nature et des arbres, d’où « retour aux souches »

Que préfères-tu dans ton métier ? 

Ce métier est juste fascinant, n’importe qui peut rester des heures à regarder les copeaux voler. Ce que je préfère dans ce métier ? Tellement de choses car il est tellement complet ! Voir une belle courbe prendre forme sous l’outil déroulant le copeau d’un morceau de bois et d’y découvrir son veinage, je pense que c’est ce qui me donne le plus d’émotion.

Pourquoi le Lavoir comme lieu de résidence ? 

A mon retour du Var je n’avais surtout pas envie de m’enfermer dans mon garage. L’idée d’un lieu de création pluridisciplinaire et humain permettait de développer mes idées créatrices, de découvrir d’autres matières et de partager d’autres techniques avec des personnes débordant de talent et d’impulsions artistiques. C’est l’émulsion créative et l’envie de partager qui m’ont amenées au Lavoir, mais c’est aussi une manière de faire connaître mon art aujourd’hui méconnu.

Comment utilises-tu les réseaux sociaux dans ton métier ? Penses-tu que c’est aujourd’hui un atout pour les métiers artisanaux ? 

Il existe aujourd’hui des structures permettant des aides ou des soutiens aux métiers de l’artisanat d’art mais c’est encore loin d’être suffisant. Par exemple, en France il n’existe pas de statut lié aux métiers d’art. Nous sommes du coup en équilibre constant entre la Chambre des Métiers et de l’Artisanat et la Maison Des Artistes qui pour chacun d’eux ne représentent pas au mieux notre savoir faire et nos besoins. C’est pour cela que je juge l’importance primordiale de parler de notre travail au plus grand nombre et pour ça les réseaux sociaux sont un bon outil de communication.

J’ai observé un grand nombre de bols dans ton travail, est-ce un moyen pour toi d’être plus proche du quotidien des autres ? 

Certaines personnes ont du mal à se voir manger dans une vaisselle en bois. Pourtant nous avons mangé dans des écuelles en bois bien avant la céramique. Ce que j’aime dans la vaisselle en bois c’est l’idée de faire entrer l’artisanat d’art dans le quotidien. J’aime me faire à l’idée qu’un bol en bois va vieillir au cours de sa vie, se déformer, se marquer par le temps, un peu comme peut le faire l’arbre dans son milieu naturel.

T’es tu spécialisé ou préfères-tu travailler selon les opportunités ? 

Je n’ai pas vraiment envie de me spécialiser et je n’ai pas pour objectif de le faire. Aujourd’hui je fais beaucoup d’utilitaire (bols, saladiers, boites,…) parce qu’il y a de la demande et que c’est une bonne manière de me faire la main sur un métier qui est encore nouveau pour moi. Aujourd’hui je fais des bols, demain je ferai autre chose, je pense que c’est voué a évoluer. A terme, j’aimerai m’orienter sur de la pièce unique. Je fais pas mal d’essais de peintures et de textures que j’aimerai plus tard intégrer à des pièces plus créatives. Ma production aujourd’hui est en quelque sorte les phases de test d’une création plus artistique.

Comment définirai-tu ton style ? 

Difficile à dire étant donné que je le cherche encore aujourd’hui. Il y a différents styles de tournage ; le tournage traditionnel pour les pieds de tables ou balustres d’escaliers et le tournage contemporain. Je m’inscris dans le deuxième domaine. J’aime les formes très simples et épurées avec un contraste liant la peinture et les effets de textures donnant un aspect plus contemporain à certaines pièces pourtant très classique. Je suis en constante recherche donc je ne pense pas un jour être intégré a un style particulier.

Quelle est ta relation avec le bois ? 

Ma relation avec le bois est presque intime car je cherche par la précision du geste à le sublimer pour ne pas gâcher un morceaux de bois. J’aime sa texture, son odeur, regarder comment il prend la lumière, sa diversité et l’idée que toute ma vie j’en apprendrai sur lui.

Quels sont tes projets futurs ? 

J’aimerai à terme travailler sur des pièces plus grosses et me mettre un peu plus que je ne le fais aujourd’hui à la sculpture. La sculpture mêlé au tournage sur bois permet d’élargir le champ des possibles. Aussi, j’ai quelques croquis qui trainent que je n’ai jamais vraiment osé réaliser, il serait temps un jour de se lancer.

Pour mettre un point à cet échange, sommes-nous selon toi revenus à une ère du fait main, à un déclin du design industrialisé ? 

L’industrie a permis de rendre le design accessible à tous et il ne faut pas le renier. Cependant il ne faut pas qu’il prenne le pas sur l’artisanat, c’est le savoir-faire qui fait partie intégrante de notre patrimoine culturel. Je pense que nous arrivons à une sorte de cohabitation, à un respect mutuel, le design intègre aujourd’hui le fait main et des matériaux nobles. Je vois de plus en plus de designers se rapprocher d’artisans locaux pour certains projets. Comme pour beaucoup de choses aujourd’hui il est important de penser local.