Morgane Ricada Knieja Wood

Publié le 02/10/2018

Nous rencontrons Morgane un lundi matin de septembre, dans son atelier parisien au coeur de l’espace Les Grands Voisins. Elle nous ouvre la porte de son atelier, et nous découvrons un espace chaleureux tant par la présence de ses créations que par sa personne. Nous avons discuté famille, forêts et environnement. 

Tu travaillais dans les relations presse et tu as soudain voulu donner un autre sens à ton travail. 

Je travaillais déjà le bois quand j’étais en agence, c’était donc quelque chose de plutôt latent. La semaine j’étais au bureau et le week-end j’allais chez mes parents pour travailler mon stock de bois que j’avais préparé. J’ai du un jour quitter mon agence et c’est à ce moment là où je me suis posée les bonnes questions. J’ai pris mon courage à deux mains et je me suis dit qu’il fallait que je tente, que l’on a qu’une seule vie alors je me suis autorisée à au moins essayer. J’ai grandi à la campagne entourée des arbres, de la nature. Dans ma famille il y a quand même une tradition vieille de plusieurs générations. Aujourd’hui mon père très manuel et bûcheron à ses heures perdues m’a transmis sa passion pour le bois. Je me suis épanouie dans cet environnement c’est donc tout naturellement que mon choix s’est fait. 

Quel est ton processus d’approvisionnement ? 

Tout le bois provient de la Vallée de la Marne, là où j’ai grandi. C’est un choix purement personnel. Quand on travaille le bois on fait en principe appel à des grossistes ou des commerciaux. Pour ma part, j’ai décidé de me charger de l’ensemble du processus de fabrication car je voulais être sûre de la qualité du bois utilisé. J’essaie vraiment de m’approvisionner de manière raisonnable – des arbres déjà coupés ou non choisis par les grossistes car le bois a des défauts – dans un soucis d’écologie. Je me plais à n’utiliser que des essences locales. Je trouve qu’il existe déjà une belle palette de nuances, de couleurs, de caractéristiques dans notre pays. C’est alors ma petite pierre à l’édifice pour contrer les cargos remplis de bois qui viennent de l’étranger. Etre dans les bois c’est aussi une partie du travail que j’adore. Je fais donc le sourcing de mes arbres, je suis en contact avec les propriétaires des parcelles, je fais le débardage avec mon père sur un petit tracteur, je fais scier mon bois puis je le fais sécher chez mes parents et je ramène enfin les essences que je vais travailler à Paris.

Tu parles d’essences locales, lesquelles principalement ? 

Principalement des essences indigènes de là où j’ai grandi : chêne, frêne, robinier faux acacia, poirier, noyer, merisier, bouleau. 

Y a t’il une essence que tu préfères travailler ? 

Je n’ai pas forcément d’essence préférée, j’essaie vraiment de les mettre toutes sur un même pied d’égalité car elles sont toutes différentes. Je vais autant valoriser le chêne qui est le bois noble français par excellence qu’un fruitier à défauts. Certaines sont plus compliquées à travailler mais c’est aussi agréable, car je le vois comme un challenge. Par exemple le poirier que j’adore mais qui est assez dur à sculpter, tu sens vraiment qu’il y a un duel entre toi et le bois. Je mets alors un peu de moi dans la création ce qui fait que je m’attache à chaque pièce que je fabrique.

Tes créations sont fortement liées aux arts de la table, y a t’il une raison ? 

Je pense que d’un côté mon père m’a vraiment transmis l’amour des arbres, du bois et du travail manuel. Alors que de l’autre côté ma mère m’a transmis l’amour de la cuisine au quotidien. Ce sont ces deux environnements qui je pense m’ont orientés vers les arts de la table. Cuisiner c’est aussi quelque chose d’universel, commun à tous : on cuisine tous un jour, on passe du temps dans sa cuisine, on découpe des ingrédients, on présente des mets, on se sert d’une cuillère. Ce qu’il me plait c’est de faire rentrer dans nos intérieurs le bois dans son état le plus brut et naturel possible, que l’on ai tous ce rapport chaleureux et unique à la matière. 

Comment protèges-tu ces objets qui doivent être souvent en contact avec l’alimentaire ? 

C’est aussi un point très important pour moi. J’essaie vraiment d’être cohérente par rapport à mon approvisionnement en bois, à l’emballage en papier recyclé de mes pièces, et je ré-utilise tout les copeaux de mes sculptures pour envoyer mes pièces. Pour ce qui concerne les finitions j’ai eu beaucoup de mal à trouver quelque chose qui me convienne. Bien sûr il y a des huiles ou cires qui sont aptes au contact alimentaire et qui permettent d’avoir un beau rendu mais il y a souvent des dérivés de pétrole à l’intérieur. Du coup je me suis lancée dans la fabrication de mon propre baume protecteur réalisé à partir d’éléments naturels et bio pour que le bois soit vraiment pur de A à Z. 

Pourquoi Knieja wood ? 

Knieja ça veut dire petit bois en polonais. C’est un petit clin d’oeil à mes origines polonaises, à mes grands parents. Wood pour le bois, la matière.

Parle moi un peu des workshops que tu organises. 

J’en organise entre 2 et 3 fois par mois, directement à l’atelier ou dans des espaces dédiés à cela (le dernier s’est tenu à Klin d’oeil). Je propose aux participants différentes formes et essences et je leur apprend à les reconnaitre. Je leur fais aussi découvrir les outils, leur utilisation et les gestes à adopter. C’est en principe des petits groupes de 6 personnes, et moi je suis là pour les guider et les motiver. Il y a un côté un peu méditatif de créer une pièce de ses propres mains durant 3h, et de repartir avec. Je suis très contente à chaque fois car c’est vraiment un échange. Etant donné que je travaille la plupart du temps toute seule dans mon atelier ça me permet de partager ce que j’aime faire avec d’autres personnes. 

Pour la suite, qu’envisages tu ? 

J’ai plein d’idées, j’ai envie de plein de choses. Il y a déjà une table Knieja Wood qui mêlera au bois l’artisanat du métal. J’ai également un projet de plantation d’arbres à l’automne. Je vais commencer à replanter des arbres dans une parcelle de bois meurtris. Les agriculteurs malmènent depuis des années les arbres avec les pesticides. On a coupé il y a longtemps les arbres dans des champs alors qu’ils apportent de la biodiversité, qu’ils permettent de drainer les sols, et qu’ils évitent les coulées de terre. J’ai alors eu l’autorisation d’un propriétaire de parcelle pour restaurer son bois et planter des arbres. Je trouve que c’est une suite logique à Knieja Wood. Il faut d’abord préparer la parcelle, prélever des petits chênes sur une plus grosse parcelle où il ne vont pas pousser pour venir les mettre là où ils vont avoir la possibilité de s’épanouir. Il y a des décennies les coupes dans les forêts étaient très agressives et souvent une seule essence d’arbre était replantée. J’ai l’impression qu’il y a du mieux aujourd’hui, en tout cas j’ai envie d’y croire.