Paul Demarquet & Romain Carlès Atelier Carlès Demarquet

Publié le 17/12/2020

C’est à Marseille que l’Atelier Carlès Demarquet, composé de Romain et Paul, façonne la matière. À la fois menuisiers et sculpteurs, il créent des pièces qui questionnent, qui interrogent. Leur approche, très expérimentale, les amène alors à proposer de nouvelles textures et de nouvelles teintes. Les essences choisies, principalement locales, sont aussi bien travaillées à l’aide d’outils manuels qu’électriques, mêlant ainsi savoir-faire traditionnels et technologie. Inspirées par les civilisations antiques et méditerranéennes, Romain et Paul nous invite à travers leurs pièces à plonger dans un imaginaire mystérieux.

Travailler le bois était-il une évidence pour vous deux ?

Paul : Cela n’a pas toujours été une évidence pour moi. J’ai commencé à faire des objets en bois assez tard, à 24 ans, d’abord pour le plaisir. C’est en réalisant mes premières pièces où j’ai commencé à en prendre conscience, en me disant que je pourrai faire cela toute ma vie sans m’en lasser, en me rendant compte que le champ des possibles était immense. J’ai décidé à ce moment là de faire un CAP en cours du soir à l’École Boulle à Paris puis j’ai créé mon atelier.

Romain : J’ai découvert le travail du bois à la fin de l’adolescence auprès d’un oncle tourneur sur bois, puis aux alentours de 20 ans auprès d’amis charpentiers. Ce n’est que vers 22 ans que j’ai décidé de m’y consacrer pleinement, en m’inscrivant en ébénisterie chez les Compagnons du Tour de France. C’est un matériau qui fait aujourd’hui partie de ma vie comme aucun autre  et que je redécouvre sans cesse, que ce soit dans la sculpture, l’art contemporain, ou l’architecture. 

Vous avez donc commencé votre pratique du bois en solitaire, puis le duo Atelier Carlès Demarquet s’est formé. Pouvez-vous nous parler de cette rencontre ? 

Nous nous sommes rencontrés à Ici Marseille, un atelier partagé qui rassemble divers métiers de l’artisanat à Marseille. On a assez vite compris que l’on avait envie de faire de la sculpture tous les deux, tout en partageant des influences et des goûts esthétiques communs. On a donc décidé de partir deux semaines dans les Alpes pour expérimenter de nouvelles techniques et voir si quelque chose en ressortait. Au cours de cette « résidence », on a beaucoup discuté de ce qui pouvait nous rassembler autour d’un projet de sculpture contemporaine. Notre envie de parler de la Méditerranée par exemple, ou de brouiller les pistes par des effets de matière. On a alors expérimenté des textures pouvant procurer au bois un aspect minéral ou organique. Nous avons par la suite créé une série de petits objets sculptés reprenant cette esthétique. On voulait continuer à préciser notre technique et à travailler sur les détails de finition et la coloration dans la masse. La production de petits objets était aussi une façon de s’approprier l’univers créatif dans lequel on imaginait se développer. 

Qu’est ce que vous apporte ce travail en duo ? Comment avez-vous l’habitude de travailler ? 

C’est une démarche qui est à la fois délicate et très enrichissante. Faire de la création implique une approche personnelle, assez intime et instinctive. On essaye donc de garder un espace de liberté dans notre collaboration. On dessine parfois ensemble, parfois séparément, et on essaye d’engager un dialogue créatif fluide. Chaque pièce que nous sculptons est le fruit d’idées communes et de l’addition de nos imaginaires respectifs. S’ensuit généralement une étape de prototypage, souvent à une échelle réduite. Chacun sculpte alors un ou plusieurs des objets dont l’idée a éclot lors de la phase de dessin, en intervenant régulièrement sur la pièce qu’est entrain de sculpter l’autre. C’est un travail à 4 mains qui nous permet d’aller de l’avant avec plus de certitude. Finalement, le travail en duo nous permet d’enrichir notre vision créative, d’avoir un point de vue moins subjectif et d’avancer plus sereinement dans notre démarche.

Comment sélectionnez-vous les essences que vous travaillez ?

Nous n’utilisons que des bois dits « de pays », donc provenant d’exploitations françaises. A ce jour, l’essence que nous travaillons principalement est l’érable sycomore. Notre travail de coloration nécessite un bois très blanc pour ne pas modifier la couleur que l’on applique. L’érable est également un bois adapté à la sculpture car il est homogène et avec un grain fin.

L’expérimentation de nouvelles textures et teintes est omniprésente au sein de votre pratique. Que recherchez-vous à travers elle ? 

Il s’agit pour nous de développer un imaginaire qui s’éloignerait de la sculpture sur bois « classique », pour laisser la porte ouverte à d’autres projections. Les textures et la teinte nous permettent cela, en créant une confusion sur la matière. A première vue, certaines de nos pièces peuvent sembler être en pierre, en matière végétale, en coquillage ou en corail. 

L’univers de vos pièces gravite autour de la Méditerranée, par quoi êtes vous inspirés plus précisément ? 

La mer est notre principale source d’inspiration, que ce soient les civilisations méditerranéennes antiques ou les fonds sous-marins. Mais ce qui nous inspire plus particulièrement, c’est la possibilité de prendre ce contexte pour y déployer notre imaginaire. Nous pouvons alors imaginer par exemple des objets ayant appartenu à une mystérieuse civilisation engloutie. Ou des statues dédiées à d’étranges divinités antiques.

Vous avez récemment présenté un nouveau projet, une table étonnante, qui vous amène à évoluer vers de nouvelles dimensions. Est-ce que cela va influencer vos prochaines créations ?

Certainement ! Après avoir réalisé cette première série de pièces qui nous a permis d’affiner notre propos et notre technique, la réalisation de cette table est une nouvelle étape. C’est notre première sculpture de grande taille. Et maintenant qu’on y a gouté, on adore ! Ça nous a aussi donné confiance dans notre capacité à sculpter de gros volumes, et plein d’idées pour la suite. 

Pouvez-vous nous présenter vos pièces sélectionnées pour le Marché OROS

Il s’agit d’une cuillère en noyer d’Amérique et une autre en noyer français, un plat en érable et un petit bol en merisier. Le bol est réalisé au tour puis sculpté, les autres pièces sont intégralement réalisées en sculpture libre. La texture des deux cuillères est une texture gougée que l’on retrouve sur la plupart des pièces de notre première série d’objets. Le bol et le plat, quant à eux, sont recouverts de cannelures, pouvant aussi bien rappeler des formes de coquillages que des objets antiques manufacturés.