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Rabea Ferber

Publié le 17/11/2025

Bonjour Rabea, nous avons collaboré pour la première fois en 2021 pour notre sélection « On The Table ». Ton approche de la laque urushi a-t-elle évolué depuis ?

J’ai certainement beaucoup appris depuis et mes techniques se sont considérablement améliorées. En 2021, je commençais à peine à utiliser l’urushi et j’étais principalement autodidacte. Depuis, j’ai passé deux ans à étudier différentes techniques de laque auprès de Maîtres japonais, ce qui m’a permis de développer une compréhension beaucoup plus profonde du matériau et des méthodes traditionnelles japonaises. Mais je n’ai encore qu’effleuré la surface : plus je m’enfonce dans cet univers, plus les possibilités semblent vastes et infinies.

Peux-tu nous raconter ton parcours à Yamanaka et ce qui t’a amenée à te spécialiser dans l’urushi ?

Techniquement, je me suis spécialisée dans le tournage sur bois et la création de laque japonaise. L’artisanat au Japon est très spécialisé et les artisans pratiquent rarement plusieurs techniques ou disciplines. Ainsi, bien qu’une partie de mes deux années d’études en tournage sur bois ait inclus l’apprentissage de diverses techniques de laque, je ne serais pas considérée comme une artisan urushi au sens japonais.
Personnellement, je souhaite cependant créer mes objets de A à Z, ce qui implique de sélectionner et préparer le bois, le façonner, puis l’enduire de laque afin qu’il soit sûr pour l’alimentation et durable. Dans le travail du bois, on cherche constamment à obtenir une finition parfaite pour créer des objets durables destinés à un usage quotidien et l’urushi est le matériau idéal pour cela.
Yamanaka était donc l’endroit parfait pour moi : une petite ville connue pour sa production de laque depuis des siècles, où de nombreux maîtres pratiquent toutes les étapes nécessaires à la fabrication d’un bol japonais traditionnel laqué.

Vivre au Japon influence-t-il ton travail et ta vision de l’artisanat ?

Absolument. Il serait impossible de vivre et d’étudier au Japon sans être profondément influencée. L’urushi fait partie intégrante des cuisines japonaises et les formes et finitions des objets se sont développées en lien avec les repas et les coutumes locales. Les bols à riz, bols à soupe miso, plateaux pour cérémonies du thé, boîtes à thé, etc., sont autant d’objets japonais avec des règles précises de fabrication et d’usage.
On ne peut pas réaliser un excellent chawan (bol de thé) sans d’abord étudier l’art du service du thé japonais. Les techniques elles-mêmes sont profondément enracinées dans une culture de patience et d’attention au détail, pour laquelle le Japon est réputé.
Curieusement, depuis mon arrivée ici, j’apprécie davantage les métiers d’art disparus et encore pratiqués dans mon pays natal (Allemagne). Il est important de ne pas se limiter à une fascination pour une culture étrangère, mais de réfléchir à ce que l’on peut en apprendre pour nourrir et dynamiser nos propres traditions artisanales.

Y a-t-il une technique particulière que tu aimes travailler ? Pourrais-tu nous la décrire ?

J’aime particulièrement les techniques de Kawarinuri. Kawarinuri signifie littéralement « laque différente » et désigne toutes les techniques d’urushi qui ne rentrent pas vraiment dans les catégories plus strictes. Elles sont souvent expérimentales et étaient fréquemment utilisées sur les fourreaux de katana, d’où leur nom alternatif sayanuri
Le Kawarinuri peut inclure des matériaux insolites pour créer des effets originaux sur la surface laquée, comme des champignons, du tabac, des poils de chat, des graines ou du tofu. Avec sa définition vague et ses possibilités infinies, Kawarinuri échappe au cadre strict des techniques japonaises transmises, ce qui explique sans doute pourquoi j’y prends tant de plaisir.

Quelles sont tes principales sources d’inspiration pour tes créations ?

Je puise mon inspiration dans des objets très variés : pièces de musées, céramiques japonaises contemporaines, laques coréennes anciennes, artisanats traditionnels suédois et classiques du design moderne. Mais beaucoup de mes choix esthétiques émergent directement du matériau lui-même. Je décide souvent spontanément, en travaillant sur la pièce, de la direction qu’elle peut prendre. Au final, je préfère créer des objets qui exploitent au mieux leur matériau, ce qui conduit souvent à des formes simples et inspirées de la nature.

Avec l’intérêt croissant pour la laque, comment perçois-tu cette attention et quel impact a-t-elle sur ton travail ?

Je trouve formidable que l’intérêt pour la laque augmente. Cette attention est méritée, et j’espère que cette « tendance » contribuera à préserver les traditions japonaises, qui, elles aussi, sont en déclin progressif.

Pour la Sélection Laque Urushi, tu présentes trois boîtes à thé, chacune avec des caractéristiques différentes. Peux-tu nous les présenter ?

Pour cette sélection, j’ai travaillé sur trois petites boîtes chacune utilisant une technique différente d’urushi. Je les ai trouvées dans mon atelier de Yamanaka Onsen que je loue depuis l’obtention de mon diplôme en tournage sur bois. Partout dans cette petite ville, on peut découvrir des ateliers de tournage abandonnés, remplis de pièces, d’échantillons et de travaux finis, laissés derrière et oubliés.

L’atelier que j’utilise actuellement a été investi pour la dernière fois par un maître tourneur il y a environ 60 ans et il reste des notes avec croquis, commandes et prix éparpillés. Il semble que cet artisan ait principalement fabriqué des boîtes à thé, et plusieurs échantillons ou tests étaient encore sur les étagères ou dans le stockage du bois.
J’ai adoré l’idée de « collaborer » avec un artisan du passé et de poursuivre la tradition de cette manière. J’ai donc choisi trois boîtes identiques, probablement des échantillons à l’époque. Sans modifier la base en bois, je leur ai ajouté de l’urushi.
J’ai utilisé trois techniques :

  • Fuki-urushi en urushi noir, pour conserver l’aspect naturel du bois et mettre en valeur le travail de l’artisan inconnu.

  • Incrustation de coquilles d’œufs, créant une surface contrastée et texturée.

  • Style Negoro, où une laque rouge est appliquée sous une couche noire, puis poncée pour révéler la couleur sous-jacente.

 

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