Sarita Arte

Publié le 19/07/2022

A travers un langage graphique et un médium naturel, Sarita dévoile des oeuvres sensibles. Travaillant plus particulièrement l’écorce du Betula Papyrifera – bouleau à papier -, l’artiste mêle les nuances et les textures. Nous nous plongeons le temps d’une rencontre dans son univers.

Bonjour Sarita, peux-tu présenter ton parcours ?

Née à Montréal de parents européens, je suis une artiste franco-suédoise amoureuse de la nature. Ma pratique issue du design scandinave explore les multiples facettes du bouleau, ma matière première, provenant de la forêt canadienne et suédoise. Après avoir étudié l’art théorique et appliqué à l’université de Stockholm, la Sorbonne de Paris ainsi qu’à la UNAM de la ville de Mexico, j’ai développé une approche centrée sur les manifestations esthétiques de la nature en déménageant en 2018 à Sörmland, région forestière de la Suède. L’écorce du bouleau, sous toutes ces facettes, est graduellement devenu le point de départ de chacune de mes réalisations.

Ta démarche artistique est intimement liée à la nature, d’où vient cette attirance ?

Ayant grandi dans la ville cosmopolite de Montréal, c’est seulement en déménageant en 2018 au bord du Lac Långhalsen à Sörmland en Suède, alors que j’étais entourée de grands espaces boisés, que j’ai fait la rencontre de cette autre dimension de moi-même. Celle qui a besoin d’arbres à la verticale et d’eau à l’horizon, cet élément vital dans lequel je me baigne et me ressource tous les matins. Fouler la terre dans les bois me fait sentir vivante. C’est dans l’environnement enveloppant de la forêt, où la danse du brouillard remplace le mouvement du trafic, que j’ai commencé à m’intéresser au bouleau, tout d’abord comme simple support (sorte de canevas naturel) ensuite comme potentiel sculptural, puis aujourd’hui comme palette de couleur, grâce à la découverte insoupçonnée des propriétés chromatiques de la couche superficielle de l’arbre. Souvent vue comme un sous-produit dans l’industrie du bois, l’écorce de bouleau est devenue l’élément qui se situe au cœur même de ma pratique artistique.

Peux-tu nous expliquer les différentes caractéristiques du Betula Papyrifera ?

Le betula papyrifera est une espèce de bouleau que l’on retrouve uniquement en Amérique du Nord et dont l’écorce est caractéristique. Ce n’est pas anodin si son nom en latin se traduit par bouleau à papier. La souplesse et la légèreté des couches sont identiques au papier, parfois même au papier de soie tant la finesse amène une transparence dans la structure. C’est dans ces couches d’écorce qu’on peut découvrir tout un spectre de couleurs qu’on ne soupçonnerait pas au premier regard. La couleur plutôt homogène de l’extrémité de cette fameuse enveloppe naturelle tire plus souvent sur un gris clair qu’un safran ou un carmin flamboyant (présent dans les couches internes).

Quelle place prend le sourcing dans ton processus créatif ?

La récolte en forêt est certainement l’une de mes parties préférées du processus créatif. Contrairement à de nombreuses autres espèces de bouleau où il faut attendre une période précise de l’année (souvent le printemps, lorsque la sève circule dans l’arbre) pour éviter de le blesser en faisant une incision pour détacher des couches d’écorce du tronc, aucune intervention n’est nécessaire sur les arbres appartenant à l’espèce betula papyrifera pour recueillir l’écorce. C’est comme si l’arbre changeait de peau, muant comme un serpent plusieurs fois par an, été comme hiver. Se promener à travers la mousse et les arbres à la recherche de bouleaux prêts à se dévêtir de leur manteau est à chaque fois un moment de méditation en pleine nature. Ce contact unique se poursuit lorsque c’est le temps de prendre soin de la récolte. Du brossage minutieux pour éliminer les impuretés naturelles, comme la terre, la poussière de feuilles sèches ou la toile d’araignée, jusqu’au choix des nuances de couleurs, au croquis et à la création de compositions, à toutes les étapes du processus je sens la proximité de la nature, qui ne cesse de m’habiter et que je ne cesse d’admirer.

Te considères-tu comme une artiste ou as-tu une âme d’artisan ?

En Scandinavie, il existe un riche héritage d’artisanat relié à l’écorce dans la production d’objets utiles. Le tressage de l’écorce (le plus souvent provenant du betula pubescens) est la technique la plus souvent utilisée pour faire des paniers, des étuis à couteau à tailler ou même des chaussures. Un récent regain d’intérêt pour ces pratiques ancestrales et ce matériau a pris sont envol et montre un désir de se rapprocher d’un mode de production plus lent et durable. Quant à moi, je me considère plutôt comme une artiste car les techniques que j’emploie viennent de l’exploration plutôt que de la tradition. Cependant chaque artiste est aussi artisan de son art !

Cherches-tu à faire passer un message à travers tes oeuvres ?

Plutôt que de chercher à transmettre un message, je cherche à communiquer, à travers la mise en valeur de détails cachés de la nature, ma fascination pour cette sphère organique qui résonne tant chez l’humain par sa beauté lorsqu’on ne cherche pas à la dompter ou à la moduler en ressource à exploiter.

Quels sont tes projets dans le futur ? As-tu la volonté de continuer à explorer ce matériau ?

Oui, définitivement oui ! La spécialisation dans l’écorce de bouleau comme medium ne m’a jusqu’ici jamais limitée dans ma pratique et au contraire toujours ouvert de nouvelles portes et pistes d’explorations. Tisser avec de l’écorce est mon prochain grand projet. Je suis déjà entrain d’examiner les différentes options pour concevoir un fil à tisser uniquement fait à base d’écorce assez souple et malléable pour convenir à un maître à tisser. Il est aussi dans mes plans futurs de voyager au Népal pour faire partie du processus d’élaboration du papier lokta (fait de fibre d’arbustes qui prolifèrent dans les forêts himalayennes du Népal), qui est devenu mon support principal à œuvre en collage. Joindre une communauté qui pratique un artisanat ancestral pour acquérir une nouvelle expertise est une suite intéressante à ce grand intérêt pour cette tradition de la production de papier entièrement fait à base de fibres d’écorce.

Trois de ses oeuvres sont à retrouver sur notre boutique en ligne !