Thomas Roger TR Cuite

Publié le 08/10/2023

Les pièces en bois de Thomas nous ont séduites par leur esthétique, à la fois primitive et sensible, s’inspirant des assemblages de constructions vernaculaires du village de Kruth dans les Vosges. A travers cet interview, Thomas nous dévoile son processus créatif et nous raconte l’histoire de ces écrins, désormais disponibles dans notre boutique en ligne.

Bonjour Thomas, peux-tu te présenter et nous expliquer ta pratique actuelle ? 

Je m’appelle Thomas Roger, j’ai fondé en 2022 le studio TR CUITE à Mulhouse. Initialement, l’idée était de travailler et produire des objets en céramique, mais je me tourne peu à peu vers le travail du bois, car j’y trouve plus de sens et de plaisir. 

La collection d’écrins Kruth s’inspire des assemblages du village éponyme, dans les Vosges. Comment le territoire influence ton travail ? 

Ce territoire m’influence de différentes manières. J’ai l’habitude d’aller dans les Vosges en train tout en emportant mon vélo. Je quitte la ville, le train traverse les agglomérations, des usines et des champs, puis on entre dans la montagne. Il y a un phénomène de dépaysement qui est instantané. Le chemin de fer s’arrête à l’entrée de Kruth car c’est le terminus. Je dois donc ensuite me déplacer en vélo. Le fait de quitter la ville et d’entrer dans la montagne me met assez rapidement dans un état de contemplation : je découvre un nouveau territoire, comme un terrain de jeu. 

Les habitants de Kruth (et des villages alentours) semblent être enfermés et protégés par les montagnes. Ils stockent dans leurs jardins beaucoup de matériaux / éléments structurels récupérés, et ils construisent avec. Une souche d’arbre devient une table ou encore une cabane de chasseur est montée avec des bâches et du lambris. Ces constructions vernaculaires influencent énormément mon travail d’assemblage pour les objets. Plus loin au dessus du village se trouve un grand lac, où l’on peut voir à plusieurs endroits des traces de feu – souvent les restes des barbecues d’été. C’est cet environnement qui m’a donné envie d’expérimenter le bois brûlé.

Autour de ce même lac, des arbres ont été coupés et au lieu de laisser une simple souche, les bucherons ont, de manière très simple et brutale, sculpté des sièges à la tronçonneuse. J’ai toujours été fasciné par ces « oeuvres » dont les formes sont très primitives, le fait de voir la taille du bois, les traces de la tronçonneuse. Je voulais trouver un moyen de faire des objets qui montrent le bois brut, les veines et la texture de ce matériau naturel.

Peux-tu nous présenter cette série composée de 6 écrins ? 

Il s’agit donc d’une collection d’écrins inspirés des assemblages et constructions vernaculaires repérés à Kruth. Chaque modèle est fabriqué de la manière suivante. Une poutre en bois massif est découpée à l’aide d’un ciseau (taille dans le sens des veines du bois). Les morceaux sont judicieusement sélectionnés en fonction de l’épaisseur et de la longueur nécéssaire pour former les parois de la boite. Le couvercle est par la suite réalisé avec une encoche convenant à la taille de l’intérieur de l’écrin. Une fois le volume monté, le bois est teinté au brou de noix, puis brûlé au chalumeau. Chaque modèle est finalement brossé et protégé avec une préparation à base de cire d’abeille naturelle et cire de carnauba.

En quoi les assemblages et constructions de ce village t’ont servi de point de départ dans ton processus créatif ?

Les assemblages et constructions que j’ai vu inspirent ma manière de penser le design, et surtout mon interprétation du « beau ». En tant que designer, j’ai souvent tendance à vouloir contrôler les formes. Pour ce projet, les constructions qui m’inspirent sont très primitives, on cherche l’utilité et pas une harmonie esthétique (et finalement sans le vouloir, ces constructions sont très belles, aussi parce qu’elles sont sincères). Je cherche donc aujourd’hui à lâcher prise sur le dessin de l’objet, et j’avais besoin de trouver une technique de coupe du bois qui me permette d’avoir des formes aléatoires pour focaliser ma sensibilité sur le travail d’assemblage. 

Tu es sensible aux matériaux naturels – tu travailles aussi la terre – qu’est-ce que cela t’apporte en tant que designer ?

Je me suis d’abord tourné vers la céramique car je pensais être plus « libre » dans les formes et les constructions. Et finalement, je travaille de plus en plus le bois car j’aime la simplicité du bois et le fait qu’il n’y ait pas besoin de changement d’état pour que ce matériau soit transformé en objet. Le travail de la céramique m’a permis de comprendre l’équilibre et le façonnage des formes, le travail du bois me permet de contrôler l’assemblage et l’équilibre dans la construction d’un objet. 

Y a t’il des artistes ou artisans ayant travaillé le bois qui t’ont influencé ou qui t’inspirent dans ton travail ? 

Bien sûr, j’aime particulièrement le travail de Sho Ota et Benjamin Foucaud pour leur finesse d’assemblage. Je suis un grand fan du travail multi matériaux du studio Formafantasma, Mieke Meijer, Max Lamb, et d’autres. Le travail sculptural de Tezontle et Turbina studio m’inspire beaucoup aussi (esthétique primitive), tout comme celui des architectes tels que studio ACTE, Lacaton et Vassal, studio Anne Holtrop, etc..

Aurons nous la chance de découvrir de nouvelles créations en bois dans le futur ?

Oui, je prépare de nouveaux objets et mobiliers en bois pour ma première exposition monographique, qui aura lieu au CAC Le Kiosque (Mayenne) en novembre et décembre cette année. Cette fois-ci, les pièces seront de différentes essences de bois et teintes naturelles. J’espère aussi pouvoir continuer à collaborer avec OROS et proposer d’autres objets par la suite !