Benjamin Fély Atelier Pok

Publié le 13/04/2020

Entre sa pratique personnelle et celle au sein de Atelier Pok, Benjamin s’attache à développer des pièces chargées d’émotion. Quand le geste et le matériau deviennent essentiels au sein de sa pratique..

Comment en es-tu venu au métier du bois ? Quel est ton parcours ? 

J’ai 42 ans, je suis originaire de Limoges, et j’ai ouvert mon atelier à Nantes depuis 2017. Plus jeune, les pratiques du dessin et de diverses activités manuelles m’ont orientées vers un CAP ébénisterie. J’y ai découvert le travail du bois qui est devenu depuis mon médium privilégié dans l’ensemble de mes réalisations.  Quelques années plus tard, j’ai intégré les Arts Décoratifs de Limoges où j’ai obtenu un DNSEP en Design de Produit. J’ai par la suite travaillé pendant une petite dizaine d’années, au CNEAI, un Centre National d’art contemporain consacré au domaine de la publication d’artistes, à la fois comme designer d’espace, assistant de publication et d’édition des projets d’artistes puis régisseur de plusieurs expositions. Ma pratique actuelle autour du bois et du design est à l’image de mon parcours. La complémentarité entre ma formation technique et artistique m’offre une liberté et une indépendance dans mes projets qui n’auraient pas été possible sans l’une de ces expériences.

Nous pouvons voir sur ton compte Instagram @benjaminfely un bon nombre d’objets utilitaires. Est-ce ton domaine de prédilection ? 

Initialement mon travail s’oriente plutôt autour du mobilier avec la fabrication de chaises, tables et fauteuils. Hans Wegner, Enzo Mari, Jasper Morrison et bien d’autres, ont toujours eu une grande influence et résonance dans mon travail. En effet je destine depuis peu une partie de mes créations vers l’art de la table au travers d’objets utilitaires en petite série tels que des plateaux et des cuillères sculptées dans différentes essences de bois. Ces objets du quotidien sont pour moi de parfaits supports de travail dans l’exploration du design et de l’ébénisterie. J’apprécie l’approche plus manuelle de la matière qu’impose la sculpture aux ciseaux à bois.  C’est un enrichissement certain dans ma pratique. Mes récents voyages en Chine et en Suède m’ont vraiment décomplexé dans cette pratique. En Chine, j’y ai découvert un art sensible et développé et j’ai été séduit par l’approche minimaliste et épurée des artisans dans leur travail du bois mais aussi de la céramique. En Suède c’est très culturel : très tôt les enfants ont un couteau sur eux pour tailler un bout de bois. Fabriquer leurs ustensiles est alors une évidence pour eux, me ramenant également à ma propre enfance. 

Est-ce important pour toi de transmettre ce savoir-faire ? 

Bien sûr ! Cela fait d’ailleurs 6 mois que je propose des workshops de découverte au travail du bois dans mon atelier. Modestement j’essaye d’initier le public à ma pratique tout en valorisant un savoir-faire à travers le matériau noble qu’est le bois. Les retours sont très positifs, c’est gratifiant comme expérience.

Y-a-t’il une essence que tu préfères travailler ?

Je n’ai pas vraiment de préférence, je m’attarde surtout à trouver quelle essence conviendra le mieux à l’objet qui lui est destiné. J’utilise par ailleurs beaucoup de bois de récupération que ce soit dans la création des luminaires ou du mobilier. Certaines essences sont très couteuses et le recyclage de vieux meubles en bois massif est pour moi une réponse à la fois économique et écologique à cette problématique. D’un point de vue créatif, l’upycling est également intéressant et stimulant, car elle nous contraint de créer à partir de l’existant. 

En dehors de ta pratique personnelle, tu formes le duo Atelier Pok. Peux-tu nous en dire plus sur ce projet ? 

Atelier Pok est en effet un projet en duo que je développe avec la céramiste Ambre Hervo où nos influences minimalistes se rejoignent. Nous travaillons ensemble sur ce projet depuis fin 2016 et nous partageons depuis le même espace de travail à Nantes. C’est à travers cette entité que nous développons nos créations de luminaires et que nous imaginons et réalisons ensemble nos pièces indépendamment de nos collections respectives. À travers Atelier Pok, nous souhaitons proposer des objets contemporains en petite série tout en défendant un savoir faire artisanal.

La céramique et le bois sont très souvent plébiscités, mais moins souvent associés. D’où vous est venue cette idée ? 

Avant de monter ce projet, nous avions chacun l’envie de créer des luminaires. De mon côté, j’avais déjà réalisé de nombreux croquis de lampes mais le bois ne me suffisait pas. Je cherchais souvent des confrontations de matières (plastique, papier, textile…) , mais l’association esthétique et technique ne me convenait que rarement. Il n’y a que la porcelaine qui a pu finalement faire aboutir ce projet et créer un équilibre tel que je l’entendais. Cela faisait sens d’associer un autre savoir faire, une autre matière transformée artisanalement. Quand j’ai découvert le rendu translucide de cette matière, sa capacité à donner une dimension différente à l’objet lorsqu’il est éteint ou allumé, cela m’a vraiment inspiré. L’association de la porcelaine et du bois est devenue évidente pour Ambre et moi, le luminaire est alors rapidement devenu notre piste de travail commune. Nous essayons de faire en sorte que les deux matériaux se valorisent mutuellement : le bois apporte un peu de chaleur et de texture à l’aspect parfois froid et minimal de la porcelaine, même si celle ci apporte une pureté et une élégance incontestable dans le rendu final de nos créations. Il y a encore beaucoup de possibilités techniques et artistiques à explorer dans l’association de ces deux matières. Nous travaillons actuellement sur notre première série de vases pour le concept store parisien La Seinographe, qui devrait sortir avant l’été.

Comment travaillez-vous avec Ambre ? Êtes-vous plutôt complémentaires ?

Je dessine l’ensemble de nos projets en amont, s’en suit plusieurs discussions autour des dessins préparatoires en vue de la réalisation des prototypes. Je développe la partie bois par tournage ou sculpture, et Ambre la partie céramique. La céramique est un terme qui désigne une discipline mais aussi un matériau : tout élément en terre (grès, faïence, porcelaine…) transformé par le feu (la cuisson) devient alors céramique. Ambre travaille la pâte de porcelaine dont l’argile qui la compose est le Kaolin, c’est ce qui lui donne cette blancheur incomparable. Elle utilise principalement la technique du tournage pour façonner nos objets, parfois du coulage. Les pièces sont ensuite cuites à haute température (1280°) en oxydation dans son four céramique. N’étant pas un spécialiste de la pratique de la céramique, il est très appréciable d’avoir instantanément les retours sur mes croquis, de la faisabilité ou non d’un objet.

Pourrais-tu nous présenter ta pièce préférée ? 

Je crois qu’il s’agit de notre dernière réalisation de luminaire en merisier et porcelaine qui sera diffusé prochainement chez La Seinographe. Chaque nouveau modèle nous semble plus abouti et mieux dessiné… jusqu’au prochain ! Je travaille également en ce moment sur de nouveaux plateaux inspirés de la technique japonaise de Shou Sugi Ban. J’aime explorer la limite entre la fonctionnalité et l’esthétique à travers cette nouvelle série d’objets.

Comment commercialises-tu tes pièces ? Est-ce que les réseaux sociaux jouent un rôle important là-dedans ?

Concernant Atelier Pok, nous avons eu la chance de diffuser rapidement nos pièces en boutiques, notamment auprès de la Galerie Mira à Nantes avec laquelle nous collaborons depuis nos débuts, ainsi que La Seinographe. Nous avons par la suite participé à différents salons à Nantes et Paris tels que la Biennale Emergences, la Paris Design Week et Les Puces du Design, qui nous ont donné accès à de belles opportunités professionnelles comme un diffusion temporaire à l’Espace Maison du Bon Marché. Notre grand projet de 2020 est de participer à Maison et Objet en septembre prochain. La diffusion de notre travail sur les réseaux sociaux nous apporte également quelques commandes pour des aménagements d’intérieurs. Mes collections personnelles de mobiliers et d’objets utilitaires sont quant à elles diffusées dans quelques boutiques nantaises dont L’Atelier du Petit Parc, MIRA, ou encore L’Inatelier. Je travaille actuellement sur une commande de cuillères et plateaux en merisier pour un restaurant gastronomique à Nantes.

À l’occasion du Marché OROS, Benjamin nous propose d’acquérir trois de ses pièces : un vase en érable sculpté entièrement à la gouge, et deux de ses cuillères en tilleul sculptées au couteau croche.