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Ferréol Babin

Publié le 26/06/2017

Ferréol est représentatif du designer nouvelle génération. Tout d’abord concepteur, il a acquis le long de son parcours des techniques et un savoir-faire particulier faisant de lui un maker. Nous l’avons découvert sur les réseaux sociaux, notamment grâce à ses cuillères sculptées en bois. Où puise t’il toute sa créativité ? Tout simplement dans la pluridisciplinarité. Nous avons parlé avec lui de sa relation au Japon, du processus créatif, de la Milan Design Week, et de son travail du bois.

Parle moi tout d’abord de ton parcours. Comment es-tu arrivé au design produit ?

J’ai su depuis tout petit que la création était mon principal moyen de m’exprimer. Mes parents m’ont inscrit dans un atelier de peinture et de sculpture à l’âge de 6 ans, et je n’en suis ressorti que lorsque je suis entré aux Beaux-Arts, à 20 ans. D’abord intéressé par l’architecture, j’ai vite réalisé que cette échelle ne me convenait pas et ne me permettait plus de m’exprimer aussi librement qu’avec la peinture ou le volume. C’est donc naturellement que le design d’objet, à l’échelle de la main, est apparu comme une évidence.

Tu as aussi voyagé au Japon. Qu’est-ce que cela t’a apporté en termes de design, de valeurs, de rapport aux matériaux ?

J’ai eu la chance de pouvoir étudier à l’université d’art & design de Nagoya, et y ai découvert des matériaux, des techniques et des savoir-faire qui m’étaient inconnus. J’ai aussi été admiratif de leur rapport au fait-main, à l’artisanat, sans-cesse présent, valorisé et conservé.

Si l’on te suit sur les réseaux sociaux, on peut observer de nombreux objets en bois dont notamment des cuillères. Que te plait-il dans ce matériau ? 

C’est un matériau qui me parle car il est a chaque fois différent, et nous oblige sans cesse à le reconsidérer, à l’observer et le comprendre. Ce n’est pas une masse inerte et pleine comme de l’aluminium. Chaque nouveau morceau de bois est une nouvelle découverte, avec sa propre histoire et sa propre identité.

Sculpter une cuillère est-il devenu banal pour toi aujourd’hui ou retrouves-tu à chaque fois de nouvelles sensations ? 

N’aimant pas reproduire deux fois la même chose, aucune cuillère n’est identique. Cela me permet de rester libre et de me laisser à chaque fois surprendre par le résultat final.

Tu as d’ailleurs eu le privilège de participer au «Design Lab» de Habitat en mars dernier, ainsi que développer un partenariat avec le designer Naoto Fukasawa pour la Milan Design Week. En quoi ces collaborations t’apportent elles ? Est-ce important dans ton processus de créativité d’avoir un cadre et des contraintes ou préfères-tu travailler en toute liberté ? 

Le fait d’inaugurer le nouveau concept de Design Lab d’Habitat m’a offert une forte visibilité, d’autant plus que c’était la première fois que j’exposais et partageais mon travail des cuillères en bois. L’enjeu était également de montrer qu’aujourd’hui un designer n’est plus seulement un concepteur ou un dessinateur, mais peut aussi être fabricant, plasticien, artisan. Les frontières se floutent, voire s’effacent. L’exposition dirigé par Naoto Fukasawa était également une belle expérience, de part mon profond respect pour ce designer, et pour l’opportunité d’être invité à exposer à la Milan Design Week.

Tu as également créé «Everyday Ceremony», une installation composée de 20 espèces différentes de bois. Est-ce important pour toi de montrer et promouvoir toutes ces essences de bois ?

L’important était de trouver le juste équilibre entre un objet fonctionnel et dessiné, et un objet poétique et contemplatif, en plaçant au coeur du projet la beauté intrinsèque des différentes essences de bois. Le but était que l’on ne regarde pas tant l’objet, mais que l’on ressente son matériau, ses couleurs, ses motifs, sa présence.

Si tu devais me citer une seule méthode de travailler le bois, quelle serait-elle et pourquoi ? 

Le travail au kogatana. C’est un tranchet japonais, probablement l’outil le plus basique, mais aussi le plus utile et le plus versatile.

Travailles-tu parfois à l’aide d’outils numériques tels une CNC ?

J’utilise au maximum des outils manuels car c’est justement ce travail de la main, lent voire fastidieux qui me procure ce plaisir. L’usage de la machine ne m’intéresse que lorsqu’elle répond à un besoin précis, notamment lorsque je dessine un objet pour un fabricant industriel.

Où arrives-tu à puiser ton inspiration ? 

Dans tout ce qui m’entoure et me touche : la nature, les éléments, les voyages.

Ta compagne est également designer si je ne me trompe pas. Cela vous aide t’il pour créer? Vous stimulez-vous dans votre processus créatif? Avez-vous déjà collaboré ensemble sur des projets autour du bois? 

Nous collaborons très rarement, et sur des projets généralement liés au textile. J’ai ce besoin profond de travailler en autarcie et d’être seul maître à bord. Cela implique également que je refuse de prendre un assistant ou un stagiaire car j’ai besoin d’être seul. Mais j’ai par contre besoin de son regard, qui est différent du mien.

Tu partages de nombreuses photos sur les réseaux sociaux, que ce soit des projets de ton studio, des réalisations personnelles ou même des plats végétariens home made. Que t’apportent-ils ? 

J’ai fait le choix de vivre de manière plutôt isolée, proche de l’océan, et loin de la ville car j’ai besoin d’espace et de temps. En contrepartie il est important que je communique sur mon travail, que ce soit pour avoir des retours différents, mais aussi pour être visible. Et je pense également que le design n’est pour moi qu’une des facettes de l’expression plastique dont j’ai besoin. Le design d’objet, la création de pièces uniques, la musique, la cuisine, cela forme un tout. Chaque discipline, chaque language, communique à l’autre et le nourrit. C’est en cela qu’il est important pour moi de communiquer sur tous ces éléments avec autant d’importance.

Pour les novices qui souhaiteraient entreprendre un métier lié au bois, que leur conseillerais-tu ? 

De faire, défaire, et refaire, sans relâche.

À l’occasion du Marché OROS, Ferréol nous propose d’acquérir trois de ses cuillères sculpturales : une en cerisier, une petite en magnolia et une plus grosse en magnolia également. Elles ont été entièrement sculptées à la main avec une gouge pour la partie intérieure et d’un kiridashi – tranchet japonais – pour la partie extérieure et le manche.