Flore Layole

Publié le 01/11/2021

Installée en Sicile depuis peu, Flore découvre au fil du temps la richesse de cette terre. A travers ses nouvelles sculptures, elle dévoile la diversité et la complexité des essences. Echange immersif.

Bonjour Flore, comment en es-tu venu au travail du bois ? 

J’ai fait des études d’Arts Appliqués, de céramique et de théâtre. L’important pour moi était de m’engager physiquement dans mon travail. À travers la création de décors, j’ai compris que c’était la sculpture et la construction qui m’intéressaient. À la recherche d’un savoir-faire spécifique à un matériau naturel, j’ai choisi le bois et me suis initiée à la menuiserie. C’est la découverte du couteau croche, un outil pour creuser les cuillères qui a changé mon rapport à ce matériau : plus instinctif, spontané et rythmé par la nature.

Quel est ton processus de création ?

Par nécessité et par plaisir, j’utilise des outils manuels – principalement la hache et les couteaux – pour travailler le bois vert. C’est la manière la plus directe que j’ai trouvé pour aborder ce matériau : le suivre afin d’en extraire quelque chose qui soit nouveau mais qui aille dans son sens. À la main tout est plus long, c’est comme choisir de voyager en vélo ou en voiture : on ne voit pas les mêmes choses et on ne va pas au même endroit. En quantité de bois, ces ustensiles partent souvent de « presque rien ». Mais le processus exalte les odeurs, les couleurs et les transformations. Partout où je vais, en ville aussi, on taille des branches ou bien une tempête se transforme en récolte de matière première.

Par quoi es-tu intéressée dans la création de cuillères en bois ? 

La simplicité de l’objet, qui représente pour moi un élément mobile de la maison, un outil du quotidien avec lequel on peut voyager. En l’utilisant, on s’attache à ses particularités, son unicité et ses changements. Tout cela participe à la joie de cuisiner, d’expérimenter et de partager.

Y a t’il une essence que tu affectionnes en particulier ?

Celle que je ne connais pas encore ! J’aime le bois dans sa diversité. La résistance des bois durs, la densité et la finesse du grain donnent aux petits objets une structure et de riches détails. En voyageant, en cherchant des échantillons d’arbres, je découvre de nouvelles essences et c’est cette recherche qui m’intéresse autant que les variations possibles autour de l’objet quotidien.

Tu voyages actuellement avec tes outils et t’es posée à Catane, en Sicile. Existe t’il des particularités du bois propres à cette terre volcanique ?

Le sol est très fertile et la végétation flamboyante, tout repousse inlassablement sur le sol volcanique. Le territoire de l’Etna est extrêmement varié et les espèces se répartissent sur les différents versants : culture d’oliviers, châtaigniers, toutes sortes d’arbres fruitiers, d’anciennes forêts de bouleaux en altitude… Je suis encore loin d’avoir approché toutes les essences et je découvre, au fil des saisons, le travail du bois vert en Sicile, notamment à travers les outils de la vie paysanne.

Que t’inspire t’il là bas ?

Le volcan et la nature sont omniprésents à Catane. Le lieu où je travaille surplombe la ville et les changements de lumière bouleversent la perception. La langue parlée est pleine de vitalité, c’est une autre façon de penser qui autant que le paysage, nourrit mes idées. L’architecture en pierre volcanique contraste avec la douceur des rencontres, il y a une tension stimulante. Bien sûr, le savoir-faire culinaire est au centre des préoccupations et la matière première est incroyable. Chaque bouchée compte et l’assiette est très scénographique. À travers certains métiers, les traditions résistent encore, comme par exemple dans le théâtre de marionnettes où le sculpteur est aussi celui qui manipule les personnages sur scène : un œil qui capture la nature pour la révéler dans le bois et lui donner vie.

Peux tu nous présenter la série de cuillères que tu as réalisée pour la Sélection OROS « On The Table »

Elles sont faites avec les premières essences que j’ai trouvées ici : l’olivier, plein de torsions et aux couleurs chaudes et le micocoulier, arbre gigantesque au bois linéaire. Cet ensemble contrasté témoigne de mon arrivée en Sicile alors qu’on m’avait déconseillé de travailler le bois vert pendant l’été brulant ! Avec des formes très différentes, les cuillères se complètent dans leurs usages : pour gouter, pour servir, pour accueillir deux saveurs, etc.