Ljubiša Žikić Les Sculptures

Publié le 22/04/2021

Les créations de Ljubiša sont délicates et complexes. Repérées sur Instagram, ses petites sculptures composées de formes singulières nous interrogent sur l’imaginaire et le savoir-faire de son créateur. Depuis Belgrade, entre deux coups de ciseaux, il répond à nos questions.

Quel est votre parcours jusqu’à la sculpture sur bois ?

J’ai été diplômé en génie mécanique en 1982 et c’est ce que j’ai fait la plupart de ma vie. La première fois que j’ai eu un peu de temps libre, j’ai commencé à travailler le bois de manière toute à fait expérimentale. Je suis alors tombé amoureux de la sculpture sur bois et cette sensation demeure toujours en moi aujourd’hui. Chaque moment libre que j’ai, je le passe de la manière la plus agréable pour moi, en créant quelque chose de nouveau. Je n’ai pas d’atelier ni beaucoup d’outils, juste quelques ciseaux, des limes, des petites scies et du papier de verre.

Quel est votre processus de création ? 

Avoir une vie significative et réussie sans avoir l’impression de travailler réellement, c’est selon moi réalisable en faisant quelque chose que l’on aime vraiment. J’essaye de vivre selon cette règle. Jusqu’à présent, j’ai réalisé environ 150 sculptures. Quand je prends un morceau de bois dans mes mains, je sais généralement ce que je vais en faire et ce sentiment reste avec moi jusqu’à ce que la sculpture soit terminée. Cependant, il arrive parfois que mon idée initiale change en cours de route, de manière que le résultat final soit complètement différent de ce que j’avais imaginé au début. Travailler avec des outils manuels demande de la patience, de l’endurance et de la persévérance et c’est une très bonne formation pour moi.

Vos pièces semblent complexes, à la fois visuellement et techniquement. Est-ce quelque chose que vous recherchez lorsque vous créez une pièce?

Je n’ai pas de bonne réponse à cette question. Selon les sages paroles d’Arthur Rimbaud, si nous essayons de définir quelque chose, nous en enlevons environ les trois quarts de sa vraie signification. Je recherche probablement la beauté avant toute chose. Et en plus, je dois l’admettre, il y a aussi ce besoin du moins en apparence, de s’éteindre et d’oublier toutes les mauvaises choses qui se passent dans le monde aujourd’hui. Croyez-moi, ça aide.

Chaque pièce est accompagnée d’un socle en bois. Le considérez-vous comme faisant partie de la sculpture?

La plupart de mes sculptures ont en effet un socle et celles sans, l’attendent. Mes pièces sont très délicates et ténues et elles ne pourraient pas exister ou se tenir seules sans fondement. J’essaie de faire de la base une partie de la sculpture, de la soutenir et de la porter, mais de manière transparente autant que possible.

Quelles essences aimez-vous travailler? 

Je travaille différents types de bois – hêtre, chêne, noyer, cerisier, poirier, prunier, orme, érable, charme, acajou, bois d’olivier… Chaque essence est différente, et nécessite aussi une approche différente. Elles ont un toucher, une dureté, un grain particulier, qui nécessitent chacune une certaine technique de sculpture. Un morceau de bois, même vieux et sec, a une chaleur incroyable, il vous suffit de le toucher, de le tenir dans vos mains. Il faut travailler le bois pour pouvoir ressentir cette sensation.

Qu’est-ce qui vous inspire ?

Je suis simplement inspiré par la chaleur et la texture du bois. Je m’intéresse au mouvement et je le trouve très intéressant en tant que contenu artistique. À travers lui je recherche la beauté dans la simplicité. Je m’inspire également de la jeunesse, sa force et son énergie, ludique.

Comment le travail du bois est-il reconnu à Belgrade, et l’artisanat en général?

À Belgrade, comme dans la plupart des villes européennes, une partie de la population se soucie de la beauté et la veut dans son quotidien. Le pouvoir d’achat modeste de mon pays n’exclut pas la richesse de l’esprit, bien au contraire. J’espère que vous pourrez un jour venir ici et le découvrir par vous-même.

Quels sont vos projets pour le futur?

Je n’ai pas de plans ! J’ai dans ma tête une vingtaine de croquis avec lesquels je joue et que je change continuellement tout en travaillant sur autre chose. Peut-être que cela semble étrange, mais lorsque je travaille, je désire ardemment voir la sculpture terminée, comme si c’était le travail de quelqu’un d’autre et je n’avais aucune idée de ce qui était sculpté. Souvent, le bois me traîne simplement et à la fin je sculpte quelque chose de complètement différent de ma pensée originale. Mes prochaines sculptures seront réalisées dans des morceaux de teck et de mélèze de Sibérie, ce sont des bois très beaux, très inspirants ! Au delà de mes créations, je vais aussi investir dans des outils de meilleure qualité afin de pouvoir travailler plus rapidement et plus facilement.