Raphael Cei Rinku Design

Publié le 14/03/2022

À la tête de Rinku Design, Raphael dessine du mobilier sensible et minimal. Guidé par le travail d’assemblage traditionnel et la production raisonné, il nous dévoile les dessous de sa marque.

Comment est né Rinku ? 

Assez naturellement car j’étais fablab manager chez Make it Marseille. J’ai donc développé de grosses compétences sur la CNC et les fichiers 3D paramétriques. Je venais d’acheter mon appartement et je me suis lancé le défi de le meubler entièrement moi-même. J’ai commencé par concevoir ma cuisine puis mon bureau bibliothèque, mon dressing, etc. J’ai voulu faire des meubles en plus des agencements, j’ai donc commencé la conception de tables basses, tables à manger, chaises tabourets de bar, tous usinés dans les chutes de mes productions. Une fois le projet publié sur Instagram, on a commencé à me contacter pour connaître les prix et les possibilités de personnalisation.

Vous êtes deux dans la création de Rinku, comment vous répartissez-vous les missions ? 

Au début de l’aventure, on faisait tout ensemble. Maintenant, c’est plus dans l’exécution que les taches se partagent. Sebastien s’occupe de la structuration financière et moi du design et de l’identité de marque. La raison pour laquelle j’ai voulu que Sebastien me rejoigne dans l’aventure c’est qu’il concevait aussi ses meubles en autodidacte et qu’il avait cette sensibilité. Je dis souvent que je suis un designer qui voulait entreprendre et lui un entrepreneur qui voulait faire du design, c’est pour cela que ça fonctionne.

Peut-on dire que vous vous êtes spécialisés dans le travail à la CNC ? 

Complètement : on a fait le choix de ne produire qu’avec cette machine. Cela présente certaines limites, comme ne pouvoir travailler que des panneaux – même si nous avons trouvé un moyen de proposer nos meubles en bois massif –  mais c’est selon nous le prix à payer pour pouvoir produire du sur-mesure, localement et à un prix raisonnable. C’est un outil extraordinaire qui nous donne un avantage important en terme de précision et de capacité de production. Personnellement j’adore jouer avec les contraintes, c’est le propre du design que de contourner ces difficultés.

« Produire autrement », c’est produire comment ? 

L’idée c’est de dire qu’un autre modèle est possible. On est dans un dualisme entre le mobilier industriel produit à l’étranger, en grande série et peu coûteux, versus l’ébénisterie d’art sur-mesure, locale, mais nécessitant un certain budget. Même si c’est très schématique, c’est le reflet d’une réalité. A travers Rinku, on mêle le digital et l’industriel à l’artisanat grâce au design paramétrique afin de proposer du mobilier design sur-mesure en circuit court. On cherche à proposer une alternative juste au mobilier industriel.

Qu’est-ce qui vous a motivé dans cette démarche ? 

De manière personnelle j’aime garder au maximum la main sur ce que je fais, donc maîtriser notre capacité de production m’attire. Le monde évolue vite et les technologies ouvrent le champ des possibles. Elles sont parfois utilisées de manière plus ou moins éthique – on ne rentrera pas dans le débat de l’uberisation. Je suis plutôt un optimiste et je cherche à tirer le meilleur de ce que l’on me propose ou de ce que j’ai à disposition et j’avais ce désir de proposer la meilleure manière de faire des meubles en circuit court en 2020. Je ne sais pas si on y est arrivé mais en tout cas on y travaille.

L’assemblage semble également être au cœur de votre processus de design.

Oui c’est d’ailleurs « Rinku » veut dire « relier » en japonais. En ébénisterie il y a une intelligence de l’assemblage, on joue sur les forces et les faiblesses du bois pour produire une solidité maximale est être le plus efficace possible. Ce qui me fascine chez les Japonais c’est leur capacité à rendre beau tout ce qui est utile et en faire une forme d’art. Effectivement, les assemblages japonais sont d’une certaine sophistication et découlent d’une quête intellectuelle qui me parle : l’intelligence au service de la beauté. C’est ce qui, selon moi, doit être le but de toute une vie. Donc voilà pourquoi les assemblages sont aussi mis en avant chez Rinku : ils sont au centre de la construction de tout nos meubles. D’ailleurs nous développons nos gammes de produits autour de certains types de constructions; c’est un type d’assemblage qui fait une gamme et non l’inverse.

Votre design est plutôt minimaliste, quelles sont vos inspirations ? 

Je me sens très proche de la pensée de Dieter Hams pour les mêmes raisons que les assemblages japonais m’attirent, j’aime le fait de produire le maximum d’efficacité et de beauté en engageant le moins de moyens possibles. C’est une démarche exigeante qui vous pousse à ne pas tomber dans et travers du style. L’idée est de vivre dans une certaine frugalité, pas spécifiquement un dépouillement et encore moins de pauvreté mais posséder peu mais posséder bien. 

Quels sont vos projets pour le futur ?

Après deux ans et demi de travail, d’essais et erreurs de tests, nous allons ouvrir notre première boutique/atelier dans Marseille. C’est une étape importante pour nous car c’est la concrétisation d’une vision : remettre la production au centre des villes et digitaliser l’artisanat sans le dénaturer. Nous travaillons aussi beaucoup notre recherche et développement, nous avons trouvé un moyen de proposer nos meubles en bois massif alors que jusque-là nous n’étions capables de ne travailler que des panneaux de contreplaqué ou de dérivés bois. Nous allons continuer à pousser toujours plus loin nos savoir-faire de fabrication pour pouvoir proposer les meilleurs meubles possibles. Nous faisons beaucoup de veille de matériaux afin de pouvoir proposer des matières toujours plus exclusives et atypiques.