Guillaume Bloget

Publié le 28/09/2021

Guillaume participe à la première édition du projet Local Ware. Designer basé à Paris, il nous livre sa vision du travail de la matière et de l’artisanat.

Designer basé à Paris, tu as fondé en 2018 ton propre studio orienté autour du design industriel. Peux-tu nous présenter ton parcours ?

Je suis sorti diplômé de l’ENSCI les Atelier en 2016. J’avais à l’époque travaillé sur un refuge de montagne bioclimatique en collaboration avec un physicien. Ce projet a confirmé mon intérêt pour l’architecture, j’ai donc travaillé pour des architectes. J’ai passé une année chez Dominique Perrault, j’étais alors en charge du design des produits et du mobilier intérieur. Puis j’ai décidé de me mettre à mon compte pour aller au bout de ma vision du design.

Tu as aussi voyagé à Singapour lors de tes études, comment cette expérience a enrichi ta vision du design ? 

J’ai étudié 6 mois à la National University of Singapour. Comme les vols intérieurs ne sont pas cher, j’ai pu voyager dans les pays alentours comme la Malaisie, l’Indonésie ou encore les Philippines. J’ai observé et vécu un contraste très fort entre ces pays émergents et l’hyper modernité de Singapour. Cette expérience m’a fait relativiser sur la notion de progrès, j’ai pu voir ce qu’on pouvait gagner et perdre dans nos modes de vie.

Quel rapport entretiens-tu avec les matières naturelles, et en particulier le bois ? 

J’essaie de travailler au maximum avec des matières naturelles, c’est une première économie, on évite les étapes énergivores de transformation. Je n’ai pas d’appétence pour un matériau spécifique, mais il est vrai que j’aime beaucoup le bois, peut-être cela vient-il du fait que j’habite en forêt de Fontainebleau ? J’ai conscience du rôle des arbres dans notre écosystème, je les considère comme des êtres vivants. C’est donc une matière que j’essaie de travailler avec respect en essayant de l’incarner au mieux. Ma première expérience avec le bois s’est faite au côté de l’artiste Nicolas Cesbron, il m’a appris à courber le bois à la main, à contraindre sa fibre sans la forcer au risque qu’elle ne casse. Leçon d’humilité.

Malgré la dimension industrielle de ta pratique, quel intérêt portes-tu à l’artisanat ? 

Je ne fais pas vraiment de distinction entre l’artisanat et l’industrie. Dans les deux cas il s’agit de mettre en relation une intelligence avec des outils et de la matière. Ce qui est agréable avec les projets artisanaux c’est la relation directe avec l’artisan qui fabrique, on est au plus près du processus, c’est fluide. Dans ma pratique, j’identifie deux types de collaborations avec les artisans. La première consiste à mettre au point des prototypes en vue d’une production industrielle. Dans ce cas, on anticipe les techniques reproductibles industriellement. La seconde est plus exclusive, il s’agit d’incarner un savoir faire spécifique à l’artisan qui n’est pas industrialisable.

Tu es aussi le co-fondateur de Typologie, peux-tu nous présenter ce projet ? 

Typologie est une collection de livre sur les objets ordinaires pour permettre aux lecteurs d’apprécier et de redécouvrir le sens de leurs formes. Chaque numéro est consacré à un objet. Il inventorie ses formes, documente son histoire, explore ses secrets de fabrication et réunit le regard de spécialistes. Ce qui est passionnant c’est que chaque objet cristallise la technique, les usages et les idéaux des époques traversées. Ce sont des marqueurs humains. Typologie nous permet de mieux comprendre les objets. Comment en sommes-nous arrivés à certaines certitudes, proviennent-elles de corrélations naturelles et raisonnables ? « Est-ce vrais qu’une table doit avoir quatre pieds identiques ? »* Quelles sont les raisons de ce conditionnement ?

* Ettore Sottsass, Design interview

Tu participes au projet Local Ware en tant que designer invité. Qu’attends-tu de ce projet ? 

J’espère une collaboration enrichissante pour tout le monde, un projet qui transcende nos idées individuelles pour créer un événement singulier. C’est une démarche assez expérimentale au fond !

Peux-tu nous présenter la pièce que tu as imaginée pour l’Edition Cuisine de Local Ware ?  

J’ai travaillé sur un fumoir de table « low-tech ». Il me semblait intéressant d’aromatiser un aliment à partir de fumée de bois dans un objet en bois. Au fil des usages, l’intérieur de la cloche développe sa propre signature aromatique. Un lien ténu se crée entre le contenant et le contenu. J’ai privilégié un fumage à froid pour conserver les saveurs et parfumer rapidement les aliments. Ainsi, le fumoir est un ustensile de préparation mais également de présentation, on peut le poser sur une table. Il instaure une sorte de rituel, on allume la sciure de bois dans le foyer, on dispose les aliments autour, puis on vient éteindre le feu avec la cloche. Après quelques minutes on soulève la cloche, un filet de fumé résiduel s’échappe et laisse apparaitre les aliments près à déguster. C’est une alternative plus poétique aux fumoirs sur pied type barbecue et aux fumoirs culinaires électrique.

 

Découvrez ici son fumoir Cloche conçu pour Local Ware: Cooking Edition.